Gordon Brown a prouvé hier qu'il est un être humain comme les autres. Le premier ministre britannique devait livrer le discours de sa vie à Manchester, où se déroulait la conférence annuelle des travaillistes. Il a fait plus encore: il a joué son va-tout en impliquant sa femme, Sarah Brown.

Aux prises avec une cote de popularité comateuse et le spectre d'une course à la direction, Gordon Brown a tenté de se montrer plus humain, à l'instar de son prédécesseur Tony Blair.

 

Il avait réservé un coup de théâtre à l'assemblée: sa femme, Sarah Brown, l'a précédé sur scène, une première dans l'histoire de la politique britannique.

Comme Michelle Obama l'a fait plusieurs fois au cours de la campagne présidentielle américaine pour le candidat démocrate, Sarah Brown a brièvement présenté son mari. «Je suis fière de le voir tous les jours motivé à travailler dans le meilleur intérêt des Britanniques», a-t-elle dit.

À l'américaine

Cette intervention de Mme Brown, reconnue pour sa réserve, fut une brillante idée selon l'expert Patrick Dunleavy. «Les gens l'apprécient. Elle humanise Gordon Brown», dit le professeur de la London School of Economics.

Réputé piètre orateur, l'homme de 57 ans a prononcé un discours très personnel hier. Il a non seulement expliqué ses valeurs et sa vision pour une «société équitable» - un mot qui est revenu 40 fois, mais il a aussi défendu sa propre personnalité austère.

«Je ne suis pas entré en politique pour devenir une célébrité ou en pensant que je serais toujours populaire. Si les gens trouvent que je suis trop sérieux, honnêtement, c'est qu'il y a de quoi être sérieux», a-t-il plaidé, en faisant référence à la situation économique.

Car après 15 mois au pouvoir, le premier ministre semble toujours incapable d'inspirer confiance aux Britanniques. Les travaillistes ne récoltent plus que 24% des intentions de vote, comparativement à 52% pour les conservateurs de David Cameron, selon un sondage Ipsos Mori du 18 septembre.

Résultat, une grogne anti-Brown montait dans les rangs des travaillistes depuis quelques mois, provoquant même le départ d'un sous-ministre rebelle, David Cairns, la semaine dernière.

Comme un malheur n'arrive jamais seul, la Grande-Bretagne fait face à sa pire crise économique en 60 ans, selon le ministre des Finances lui-même, Alistair Darling.

Un homme de confiance

Gordon Brown a tenté de tourner cette conjoncture à son avantage hier. Il a vanté ses 10 ans d'expérience au ministère des Finances.

«Les conservateurs ne sont pas dignes de confiance avec l'économie. Ce n'est pas le moment pour un novice à la tête du pays», a-t-il dit.

Cette flèche était non seulement pour David Cameron, chef des conservateurs depuis seulement trois ans, mais aussi pour son ministre des Affaires étrangères, David Miliband. Ce jeune loup, étoile montante du Parti travailliste, multiplie depuis l'été dernier les signes montrant qu'il est prêt pour une course au leadership.

Son discours, bien reçu par la presse britannique, fera-t-il taire les rebelles du parti? Selon la députée Vera Baird, Gordon Brown a réussi son pari.

«Ça sentait le calme avant la tempête pendant la conférence. Je crois que face au discours solide de notre chef, les dissidents se tiendront tranquilles pour un bon moment», a-t-elle dit en entrevue téléphonique.