Le président Xi Jinping, homme fort de la Chine, vient de consolider plus encore son emprise sur les rênes du pays en se voyant désigner, dans la rhétorique officielle, comme le « coeur » du Parti communiste. Une mesure essentiellement symbolique qui n'est pas dénuée d'arrière-pensées stratégiques à l'approche d'un important sommet.

LA DÉCISION A-T-ELLE UN PRÉCÉDENT ?

Le comité central du Parti communiste chinois a dévoilé la semaine dernière, à l'issue d'une rencontre de quatre jours, que Xi Jinping ne serait plus désigné simplement comme le secrétaire général du parti, mais bien comme son « coeur ». Cette désignation, relève Jeff Wasserstrom, spécialiste de la Chine rattaché à l'Université de Californie à Irvine, a d'abord été utilisée historiquement pour honorer Mao Zedong et Deng Xiaoping. Ce dernier l'a ensuite reprise pour conférer une autorité accrue à son successeur désigné, Jiang Zemin, au moment des soulèvements de la place Tiananmen.

S'AGIT-IL D'UNE DÉCISION SURPRENANTE ?

Depuis l'arrivée du Parti communiste chinois au pouvoir, tous les secrétaires généraux n'ont pas reçu cette désignation. Certains dirigeants n'ont jamais eu l'autorité ou le prestige requis pour l'obtenir. La méfiance des autorités centrales relativement au développement d'un culte de la personnalité - qui a d'ailleurs été rappelée la semaine dernière dans le communiqué du comité central - freine aussi son utilisation. Xi Jinping n'a cependant cessé, depuis quelques années, de consolider son pouvoir et voit la désignation comme la suite logique d'une série de titres - président, secrétaire général du parti, commandant des armées, etc. - qui lui ont valu d'être surnommé ironiquement « le président de tout » par certains analystes.

S'AGIT-IL D'UN TITRE ESSENTIELLEMENT SYMBOLIQUE ?

Le titre de « coeur » du parti ne va pas officiellement de pair avec l'attribution de pouvoirs accrus. Il devrait cependant avoir pour effet de consolider l'emprise de Xi Jinping sur la direction du parti et le pays, note M. Wasserstrom. Dans une analyse parue l'été dernier, Alice L. Miller, spécialiste de la Chine rattachée à l'Université de Stanford, notait que l'utilisation de cette désignation historique pourrait avoir pour objectif de souligner l'autorité du comité central du parti par rapport à une base qui « tend à ignorer ou à détourner les orientations préconisées » par la haute direction. Elle survient alors que le pays est engagé dans de délicates réformes sur le plan économique et que Xi Jinping poursuit une politique énergique de lutte contre la corruption qui a aussi été utilisée pour affaiblir ses opposants politiques.

LA DÉMULTIPLICATION DES TITRES DE XI JINPING CACHE-T-ELLE UN RISQUE DE « POUTINISATION » DU PAYS ?

Les spéculations vont bon train au sujet des intentions politiques du président chinois, qui serait tenté, selon certains membres du parti cités le mois dernier par le New York Times, de retarder la désignation de son éventuel successeur. Il doit normalement être reconduit au pouvoir jusqu'en 2022 lors d'une réunion du comité central qui se tiendra dans un an et identifier, à cette occasion, son dauphin. Selon M. Wasserstrom, les hypothèses sur les intentions à long terme du président chinois viennent notamment de l'absence actuelle d'indications quant à l'identité d'un éventuel dauphin. La proximité croissante entre Moscou et Pékin laisse par ailleurs craindre que Xi Jinping s'inspire des pratiques du président russe Vladimir Poutine, qui a réussi à prolonger son influence à la tête du pays en siégeant pendant un mandat comme premier ministre avant de reprendre la présidence.