Le gouvernement chinois, qui multiplie les initiatives en mer de Chine méridionale pour appuyer ses visées territoriales, vient d'y déployer... une populaire chanteuse.

Song Zuying, une soprano connue pour ses interprétations de chants traditionnels et populaires, a entrepris la fin de semaine dernière une singulière tournée avec un groupe d'artistes rattachés à l'Armée populaire de libération.

La troupe, mélangeant chants à teneur nationaliste, sketchs et tours de magie, a réalisé une première représentation sur le récif de Fiery Cross, dans l'archipel des Spratleys, dont le contrôle est revendiqué par plusieurs pays.

Les artistes ont présenté le spectacle devant un parterre enthousiaste de travailleurs de la construction et de militaires, à l'ombre de l'un des plus importants vaisseaux militaires chinois.

Des images de leur performance, relayée par la télévision nationale chinoise, ont circulé hier sur les réseaux sociaux, offrant une fenêtre inusitée sur le développement du récif en question.

« TOUR DE PASSE-PASSE »

Les efforts du gouvernement chinois, qui se défend officiellement de vouloir militariser l'archipel des Spratleys, inquiètent plusieurs pays asiatiques ayant aussi des revendications territoriales dans la zone.

L'auteur anglais Bill Hayton, qui est rattaché à Chatam House, un institut londonien, estime que les images émanant de Fiery Cross confirment l'importance des infrastructures militaires qu'il contient.

La présence d'une troupe d'artistes pourrait être une « sorte de tour de passe-passe » visant à mieux faire passer la présence, sur place, d'un important navire militaire.

Jeff Wasserstrom, spécialiste de la Chine rattaché à l'Université de Californie à Irvine, pense que le passage de la troupe et sa médiatisation visent d'abord et avant tout à conforter la population chinoise dans une période économique difficile.

Le régime communiste, pour renforcer sa légitimité, entretient depuis son arrivée au pouvoir certains mythes qui ont du plomb dans l'aile, note l'analyste.

L'idée voulant que la Chine devienne sous son égide une société plus égalitariste ou que les dirigeants du Parti communiste soient purs et incorruptibles « ne prend plus auprès de la population ».

Un autre « mythe fondateur » voulant que les communistes réussiraient à faire reculer les puissances étrangères menaçant le pays et lui redonneraient sa grandeur passée demeure cependant populaire, note M. Wasserstrom.

L'expansion en mer de Chine méridionale souhaitée par Pékin a conséquemment une « grande importance symbolique » pour le régime, précise-t-il.

INQUIÉTUDES AMÉRICAINES

Les États-Unis sont inquiets des ambitions de la Chine et ont réalisé plusieurs passages maritimes et aériens avec des appareils militaires à proximité des îles contrôlées par Pékin pour défendre la libre circulation dans la zone.

En février, des rapports médiatiques suggérant que le gouvernement chinois a installé des lance-missiles dans l'île de Woody, dans un autre archipel dont le contrôle est contesté, ont notamment fait réagir Washington.

Le ministère de la Défense américain a alors fait savoir qu'il entendait intensifier ses opérations en mer de Chine méridionale.

L'amiral Harry Harris, chef des forces américaines dans l'océan Pacifique, a précisé à cette occasion que seule une personne « croyant que la Terre est plate » pouvait douter du fait que le régime chinois cherche à « militariser » la zone.

M. Hayton estime que les risques d'un affrontement militaire majeur sont actuellement limités.

Une décision attendue dans quelques mois de la Cour permanente d'arbitrage de La Haye relativement aux revendications des Philippines sur une partie de l'archipel des Spratleys pourrait cependant susciter de nouvelles tensions, prévient-il.

Photo Reuters

Bien que le gouvernement chinois se défende officiellement de vouloir militariser l’archipel des Spratleys, plusieurs pays asiatiques ayant aussi des revendications territoriales dans la zone s’inquiètent des récents efforts de Pékin. Le ministère de la Défense américain a récemment fait savoir qu’il entendait intensifier ses opérations en mer de Chine méridionale.

PENG LIYUAN, CHANTEUSE ET PREMIÈRE DAME DE CHINE

La femme du président Xi Jinping, Peng Liyuan, s'est fait connaître comme chanteuse avant de se marier avec l'homme fort de Pékin. À l'instar de Song Zuying, elle a longtemps chanté au sein de l'armée, ce qui l'a amenée notamment en 1989 à participer à une cérémonie saluant le rôle des troupes chinoises dans la répression du soulèvement de la place Tiananmen. Une image de la cérémonie en question où elle apparaît vêtue d'un habit militaire a été largement censurée par le régime, qui cherche aujourd'hui à utiliser l'élégante artiste pour mousser son image à l'étranger.

PHOTO ARCHIVES REUTERS

Peng Liyuan, la femme du président chinois Xi Jinping, a longtemps chanté au sein de l’armée avant de se marier à l’homme fort de Pékin. On la voit ici lors d’une visite dans la ville de Deyang, dans la province du Sichuan, à la suite d’un tremblement de terre en juin 2008.