L'un des caricaturistes les plus connus de Malaisie, habitué des dénonciations au vitriol du régime au pouvoir, a été inculpé de sédition vendredi, dernière illustration en date de la campagne de répression lancée par les autorités contre les libertés civiles.

Zulkifli Anwar Ulhaque, connu sous son nom de plume Zunar, a déjà par le passé été poursuivi pour sédition en raison de ses dessins tandis que plusieurs des oeuvres ont été interdites.

Les nouvelles accusations de révolte contre l'autorité publique font référence aux critiques émises sur Twitter par le caricaturiste à l'encontre de la justice accusée d'être inféodée au pouvoir, en réaction à l'incarcération en février du leader de l'opposition Anwar Ibrahim.

Son avocate Latheefa Koya a déclaré qu'il avait été inculpé de neuf chefs de sédition,  correspondant à différents tweets, ce qu'elle a qualifié «de record» pour une seule audience. «Nous allons combattre ces accusations. Le chef de sédition est utilisé de la façon la plus ridicule qui soit», a-t-elle dit.

En arrivant au tribunal, le caricaturiste ne semblait pas décidé à se laisser intimider. «Ils sont en train de tenter de me réduire au silence, de m'empêcher de critiquer le gouvernement, ils ont des motivations clairement politiques», a-t-il déclaré. Pour l'occasion et à l'intention des médias présents, il était vêtu d'un faux uniforme de prisonnier.

La coalition gouvernementale au pouvoir depuis l'indépendance du pays en 1957 a lancé une campagne de répression contre la liberté d'expression et d'autres libertés civiles après avoir essuyé de mauvais résultats aux élections de 2013.

Des dizaines d'opposants, dont des hommes politiques, des intellectuels et des journalistes, ont été accusés de sédition et d'autres chefs qualifiés de douteux par les associations de défense des droits de l'Homme.  La plupart d'entre eux ont été relâchés dans l'attente d'être renvoyés devant la justice.

Opposant emblématique, Anwar Ibrahim a été condamné à cinq ans de prison pour sodomie -- crime passible de 20 ans de réclusion dans ce pays à majorité musulmane -- à l'issue d'un procès très controversé, aux charges considérées par l'intéressé comme fabriquées de toutes pièces. Cette incarcération avait brisé les espoirs de millions de Malaisiens de voir la fin du régime autoritaire du parti majoritaire à la tête du pays depuis plus d'un demi-siècle, selon des experts.

Après les tweets du caricaturiste politique, la police avait également saisi ses dernières oeuvres. Celles-ci dénonçaient le procès d'Anwar Ibrahim, accusaient le gouvernement de corruption et prenaient pour cible le train de vie supposé luxueux de l'épouse du premier ministre Najib Razak, Rosmah Mansor.

Dans l'affaire Zunar, Human Rights Watch a accusé le gouvernement de vouloir transformer «la critique pacifique en acte criminel menaçant l'État».