Le Parlement thaïlandais a adopté en première lecture un projet de loi visant à interdire le recours à une mère porteuse, pratique commerciale qui s'est développée dans le royaume et qui est à l'origine de plusieurs scandales ces derniers mois.

Le texte, qui prévoit notamment de punir de 10 ans de prison toute personne qui tirerait des bénéfices de la gestation pour autrui, a été adopté jeudi «quasiment à l'unanimité», a indiqué vendredi à l'AFP le député Wallop Tungkananurak.

Une sanction qui toutefois ne concerne pas les potentielles mères porteuses. Une deuxième lecture est prévue pour mi-janvier.

«Nous voulons mettre un terme à cette idée qu'ont les étrangers que la Thaïlande est une usine à bébés», a-t-il ajouté alors que plusieurs scandales qui ont connu un retentissement médiatique mondial ont éclaté ces derniers mois dans le royaume autour de cette pratique, qui s'est développée grâce à un flou juridique.

En août, un couple australien avait choqué la planète en abandonnant un petit garçon trisomique, nommé Gammy, en Thaïlande à sa mère âgée de 21 ans, et en emmenant sa soeur jumelle, Pipah, en bonne santé.

Quelques semaines plus tard, le royaume découvrait le scandale de «l'usine à bébés» : un riche Japonais avait eu recours à des mères porteuses en série.

Face à ces affaires, la junte militaire au pouvoir avait promis de faire le ménage dans ce secteur.

Vendredi, juste après le vote en première lecture du projet de loi, Pattaramon Chunbua ou Goy, la mère du bébé trisomique à l'origine du scandale de cet été, s'est dit «heureuse». «Cette loi empêchera qu'il y ait beaucoup d'autres bébés qui connaissent le même sort que Gammy», explique par téléphone à l'AFP, la jeune femme qui élève aujourd'hui le garçon dans l'est du pays.

Âgée de 21 ans, la femme, déjà mère de deux enfants de 3 et 6 ans, avait accepté d'être mère porteuse en échange de plus de 10 000 euros (plus de 14 000 $), pour pouvoir payer l'éducation de ses enfants et rembourser ses dettes.

«Situation très compliquée»

Le texte n'interdit pas totalement la pratique des mères porteuses qui reste autorisée au sein des familles ou pour des amis, a expliqué en septembre à l'AFP Sappasit Kumprabhan, un avocat qui se bat depuis longtemps contre ce commerce. Il est l'un des auteurs du projet de loi proposé à l'Assemblée nationale.

Toute femme souhaitant devenir mère porteuse devra ensuite «passer un entretien» avec un panel de représentants de l'État, explique-t-il.

Et seuls les couples hétérosexuels apportant la preuve de leur incapacité à procréer seront autorisés à avoir recours à une «amie» thaïlandaise. Et leurs antécédents seraient vérifiés, permettant d'éviter que des hommes condamnés pour pédophilie puissent postuler.

«Certaines cliniques et des médecins vont être très contrariés» face à la baisse du nombre de clients étrangers, rebutés par ces restrictions, se réjouit M. Sappasit. Il estime le prix payé jusqu'ici par les couples à un million de bahts (près de 33 000 $), entre l'indemnisation de la mère porteuse et les frais médicaux.

Selon le Conseil médical de Thaïlande, plus d'une centaine de cliniques privées seraient spécialisées dans l'aide à la procréation, y compris via des mères porteuses. Ce commerce génèrerait plusieurs centaines de bébés par an.

D'après l'Australien Sam Everingham, fondateur de Families Through Surrogacy, une association consacrée à la gestation pour autrui, environ 200 naissances par an ont lieu en Thaïlande grâce à des mères porteuses pour les seuls couples australiens.

«Actuellement, la situation est très compliquée : beaucoup d'employés thaïlandais des agences consacrées à la gestation pour autrui ont fui, certains hôpitaux thaïlandais ont refusé des naissances d'enfants de mères porteuses et les couples étrangers qui attendent un enfant sont particulièrement stressés et inquiets de la santé des mères porteuses», explique celui-ci à l'AFP.

La junte a promis d'étudier au cas par cas les dossiers des centaines de bébés qui seraient coincés en Thaïlande avec leurs parents biologiques.

Depuis que la junte a annoncé son intention de légiférer, il affirme que «de nombreux couples se tournaient déjà vers de nouvelles destinations comme le Mexique ou le Népal».