N'en déplaise à Pékin, les manifestations qui secouent Hong Kong depuis près d'un mois ne seront pas oubliées de sitôt. Perry Chan, fort de ses pinceaux, entend s'en assurer.

Les images captées sur place par les médias font le tour du monde, mais leur caractère éphémère inquiète cet artiste peintre, qui entend figer pour la postérité les moments forts du mouvement grâce à son art.

«Une peinture à l'huile peut durer des centaines d'années, alors qu'une photo s'efface très facilement. Je veux que les générations suivantes puissent connaître les faits», souligne-t-il en entrevue.

L'homme de 49 ans, qui utilise Perry Dino comme nom d'artiste, dit se battre du même coup pour l'avenir de ses deux filles, âgées de 6 et 11 ans.

«Je veux qu'elles jouissent de droits normaux, qu'elles puissent s'exprimer librement, se rassembler sans contrainte pour défendre leurs opinions», note M. Chan.

L'artiste est descendu dans la rue avec toile et pinceaux une première fois en 2012 lorsque des centaines de personnes se sont réunies devant un magasin Dolce&Gabbana pour protester.

Les résidants de Hong Kong voulaient dénoncer l'entreprise après qu'un agent de sécurité eut indiqué que seuls les visiteurs en provenance de la Chine continentale et les touristes pouvaient prendre la vitrine en photo.

«Je suis alors passé à la radio et à la télévision. Ça m'a rendu très nerveux et je me suis caché pendant cinq mois», note M. Chan, qui craignait d'être pris à partie par les autorités.

L'artiste a réalisé ensuite un autre tableau lors d'une manifestation aux chandelles tenue en mémoire des victimes du massacre de la place Tiananmen, en 1989.

Ne voulant rien manquer des rebondissements du mouvement prodémocratie, le peintre a fini par démissionner du poste d'enseignant qu'il occupait dans une école secondaire, se contentant de donner des cours privés pour assurer sa subsistance. «Il faut que je puisse réagir rapidement chaque fois qu'il y a une crise», dit-il.

Fixer sur la toile

Lorsque les manifestations d'envergure ont débuté, à la fin du mois de septembre, M. Chan s'est mis au travail de plus belle, fixant sur toile le face à face tendu entre manifestants et policiers ou encore les rangées de tentes colorées des protestataires.

«J'ai fait 13 toiles depuis ce temps. Ça veut dire que j'en ai fait une tous les deux ou trois jours. Il me faut entre 6 et 10 heures de travail chaque fois», relève-t-il.

Bien que les manifestations aient été ponctuées d'affrontements violents, le peintre affirme ne pas avoir eu à craindre pour sa sécurité. «Normalement, il n'y a pas de problème. Je peux trouver, par exemple, un toit pour m'installer un peu à l'écart. Une fois là, il n'y a pas de risque», indique M. Chan.

Lors d'une journée tendue dans le quartier de Mong Kok, un des protestataires lui a apporté un casque de construction pour le protéger des projectiles. Un autre lui a déjà offert un masque à utiliser éventuellement contre les gaz lacrymogènes.

Bien que sa collection de toiles suscite beaucoup d'intérêt, l'artiste ne cherche pas pour l'heure à la vendre. Il aimerait plutôt trouver un commanditaire pour l'exposer.

«J'espère les publier un jour dans un livre avec des textes explicatifs», affirme le peintre, qui souhaiterait voir tous les manifestants se concentrer dans le quartier de l'Amirauté, près des bâtiments gouvernementaux, pour donner une force maximale au mouvement.

Bien que la situation politique demeure dans l'impasse, il espère que les deux camps réussiront, «par la discussion», à résoudre leur différend. «C'est une longue guerre et beaucoup de gens commencent à être fatigués après avoir dormi un mois dans la rue dans des tentes», relève l'artiste, qui croit à la capacité du mouvement de faire changer les choses.

«La population de Hong Kong est très puissante», conclut-il.

Vote en vue

Les instigateurs du mouvement de contestation en cours à Hong Kong ont indiqué qu'ils demanderaient demain à leurs partisans de voter sur les propositions du gouvernement local avant de décider de la ligne de conduite à suivre.

Lors de pourparlers tenus cette semaine, les dirigeants de l'ex-colonie ont proposé de faire rapport à Pékin des revendications des manifestants tout en aménageant une plateforme pour aborder les questions constitutionnelles.

Les protestataires demandent que le chef de l'exécutif de Hong Kong soit désigné au suffrage universel à compter de 2017, mais le gouvernement chinois a fait savoir qu'il entendait garder la main haute sur le processus de sélection des candidats et ne montre aucune intention de faire marche arrière.