Les montagnes du Népal ont emporté deux grandes adeptes du plein air. Les Québécoises Sylvie Marois et Geneviève Adam, qui s'étaient envolées le 3 octobre pour un voyage de trekking de trois semaines, font partie des victimes des avalanches qui ont frappé le secteur du mont Annapurna. Une troisième femme, dans la cinquantaine, a été emportée. Son mari et un couple de Québécois, qui faisaient tous partie du même groupe, ont quant à eux survécu.

C'est le choc dans les hauts sommets du secteur du mont Annapurna, au Népal, où des avalanches survenues mardi ont fait au moins 27 morts et environ 70 disparus.

À quelques kilomètres des montagnes, à Katmandou, trois survivants québécois encaissent difficilement le fait d'avoir vu la moitié de leur groupe de randonnée emportée par le torrent de neige.

Une représentante de l'agence de tourisme montréalaise Terra Ultima, qui organisait l'expédition, s'est rendue auprès d'eux hier. «Pour l'instant, il n'y a rien de nouveau. Les recherches en hélicoptère vont se poursuivre demain», a dit la guide Julie, jointe alors que la nuit tombait sur la région de Naar-Phu, le secteur vallonneux où se trouvait le groupe de six Québécois que l'avalanche a décimé. «Compte tenu de la situation, ça va», a-t-elle dit à propos des trois survivants. «C'est un peu l'état de choc.»

Un peu plus tôt, la randonneuse Sonia Lévêque a raconté à Radio-Canada le cauchemar qu'elle avait vécu. Son témoignage a corroboré celui du guide népalais Kusang Sherpa, qui avait raconté les circonstances du drame à La Presse mercredi soir.

Sonia Lévêque, qui travaille comme conseillère juridique au Fonds de solidarité FTQ, s'estime chanceuse d'avoir survécu à l'avalanche. Son conjoint fait aussi partie du groupe de ceux qui ont été épargnés. Le troisième survivant a perdu sa femme dans l'avalanche. L'identité de celle-ci demeure inconnue. La guide Sylvie Marois, 54 ans, et la randonneuse Geneviève Adam, 33 ans, ont aussi été ensevelies sous la neige. (Voir autres textes.)

Selon Sonia Lévêque, presque tout le groupe a été balayé par une large et soudaine avalanche de neige mouillée. «Nous marchions un à un, pour plus de sécurité», avait raconté mercredi le sherpa qui accompagnait le groupe. «L'avalanche a emporté trois membres du groupe, ceux qui marchaient aux extrémités de la file indienne», avait aussi expliqué Kusang Sherpa, dont la version des faits a été confirmée par Mme Lévêque.

Le guide népalais a vérifié s'il entendait ou s'il voyait des survivants au bas de la montagne, a expliqué la conseillère juridique. «Malheureusement, il y avait à peu près 20 mètres de neige accumulés au bas de l'avalanche», a-t-elle dit. «Il a fallu continuer pour aller se mettre à l'abri.»

«Mouillés et frigorifiés», les trois randonneurs et leur guide ont marché une heure et demie avant d'atteindre une cabane, où un groupe de Néerlandais les a accueillis, nourris et réconfortés. Ces derniers avaient décidé de ne pas partir en raison de la neige.

Sonia Lévêque et son conjoint ne sont pas pressés de quitter le Népal. Ils veulent soutenir le troisième survivant, qui a perdu sa conjointe.

Les secours s'organisent

Pendant que les noms des disparus s'accumulent sur sa page Facebook, l'Association des agences de randonnée du Népal publie de bonnes comme de mauvaises nouvelles pour les familles qui suivent ses opérations de près. C'est que les avalanches ont frappé divers secteurs de la région du mont Annapurna, où convergent des centaines de touristes. L'Association a dû suspendre ses recherches en raison des intempéries, hier. Elle est néanmoins parvenue à secourir plus de 150 personnes depuis le drame, notamment en utilisant des hélicoptères que les agences de trekking et l'armée lui ont fournis. En revanche, l'Association a aussi confirmé la mort d'au moins 27 personnes. Quatre Canadiens sont du nombre, et les victimes sont aussi slovaques, polonaises, israéliennes ou indiennes. Les recherches doivent reprendre ce matin.

Terra Ultima a elle aussi prêté main-forte aux autorités locales. «Aucun effort n'est épargné pour retrouver les randonneurs qui manquent à l'appel», a indiqué l'entreprise montréalaise. «Nos pensées accompagnent évidemment les familles et les proches des personnes disparues qui traversent actuellement une période extrêmement difficile.»

Le gouvernement canadien compte aussi porter assistance aux citoyens du Canada se trouvant dans la région par l'entremise de sa mission diplomatique à Katmandou. «Nous exhortons les citoyens canadiens qui se trouvent dans la région où est survenue l'avalanche à communiquer avec leurs proches pour les rassurer, même s'ils n'ont pas été directement touchés par l'événement», a déclaré la ministre d'État aux Affaires étrangères et consulaires, Lynne Yelich.

- Avec La Presse Canadienne et AP

Sylvie Marois: une véritable pionnière

La grande famille que forment les guides de montagne québécois a perdu sa «mère professionnelle», mardi, quand Sylvie Marois a été emportée dans une avalanche, au Népal.

«Elle n'avait pas d'enfants biologiques, mais environ 200 enfants dans notre domaine», a résumé, hier, son collègue et ancien élève du Cégep de Saint-Laurent, Alexandre Robert.

Sylvie Marois était une athlète de haut niveau, une pionnière dans son domaine. Elle faisait partie de la toute première cohorte de professionnels à avoir reçu une formation en sécurité avalanche au Québec.

«Elle était passionnée par son boulot et c'était contagieux», a souligné le médaillé olympique Jean-Luc Brassard, qui a suivi la formation en sécurité avalanche de deux jours donnée par Sylvie Marois, l'automne dernier, au Cégep de Saint-Laurent.

Comme bien d'autres, l'Olympien a été saisi en apprenant que Sylvie Marois fait partie des trois Québécoises emportées par l'avalanche. La femme de 54 ans est bien connue - et très respectée - dans le milieu des guides de plein air.

«Ça peut sembler un paradoxe que l'enseignante ait été prise dans l'avalanche, mais il s'agissait d'un contexte exceptionnel: le typhon qui arrive de nulle part et qui provoque la tempête parfaite», a rappelé Jean-Luc Brassard.

«C'était un acte de Dieu», a plutôt laissé tomber Alexandre Robert, en référence à l'improbabilité du drame.

Adepte du plein air depuis le début de l'âge adulte, Sylvie Marois a travaillé dans les années 90 à la boutique L'Aventurier, rue Saint-Denis, où elle a pu nourrir et développer sa passion. Elle était notamment adepte de télémark et de kayak.

«Souvent, les filles étaient dans les vêtements et les souliers, et les gars étaient dans l'équipement, mais Sylvie était une de nos spécialistes dans l'équipement, a raconté sa grande amie Hélène Philion, à l'époque directrice générale de l'Aventurier/Chlorophylle. Elle connaissait ça au bout. Et elle était très appréciée.» L'été, Sylvie Marois guidait les aventures en kayak de mer organisées par L'Aventurier. Elle a aussi enseigné l'éducation physique, son domaine d'études.

«À mon avis, c'était une des premières à avoir professionnalisé le métier de guide, et elle réussissait à en vivre, une des seules à cette époque-là», a dit son ex-collègue à L'Aventurier, Claude-André Nadon.

En 2000, le Cégep de Saint-Laurent lui a demandé sa collaboration pour aider à mettre sur pied le programme de formation de guide en tourisme d'aventure. Pendant l'année scolaire, Sylvie Marois y enseignait. «On tisse des liens très serrés dans ce programme. C'était notre mère professionnelle», s'est rappelé Alexandre Robert.

En raison de «problèmes internes», le programme n'a pas été donné cet automne. C'est ce qui a permis à Sylvie Marois d'accepter un contrat afin de guider des touristes dans les montagnes du Népal.

«Elle a eu l'opportunité de partir en voyage...», a lancé Alexandre Robert, conscient du malheureux concours de circonstances dont a été victime sa collègue.

Sylvie Marois vivait à Montréal avec sa conjointe. La métropole était son camp de base. «Sa vie, c'était les expéditions et le monde du plein air. Sa vie, c'était dehors. C'était une athlète de haut niveau, très aimée, a dit Hélène Philion. Ma plus grande consolation, c'est qu'elle est morte en faisant ce qui la passionnait.»

Geneviève Adam: une grande aventurière

Quand il a décrit sa nièce, hier, l'oncle de Geneviève Adam a cherché tant bien que mal à s'expliquer la disparition de cette grande passionnée de plein air.

«Geneviève était une aventurière, a dit François Adam, avant de souligner que sa nièce avait fait l'ascension du mont Kilimandjaro l'an dernier. Elle aimait beaucoup les voyages de trek. Elle était dans son élément là-bas.»

La page Facebook de l'infirmière de 33 ans donne raison à son oncle. Sur ses photos, la jeune femme s'affiche, souriante, dans les montagnes de Chamonix, dans un bateau-dragon ou au sommet du Kilimandjaro, justement. «C'était quelqu'un qui aimait beaucoup la vie, elle avait le sens de l'humour. Elle était en forme, faisait de l'exercice, souvent des voyages seule [ou] avec des amis, et celui-là, c'était le summum de ce qu'elle voulait faire pour l'aventure», a déclaré son amie Camille Watters, dans une entrevue à Radio-Canada.

Geneviève Adam travaillait auprès des familles et des enfants au CLSC La Source, à Charlesbourg. Elle avait fait des études en sciences infirmières à l'Université Laval.

Son père s'est envolé vers le Népal, hier, pour suivre l'évolution des recherches. «Ils n'ont pas trouvé le corps, mais c'est ce qu'il reste à trouver», a dit son oncle, qui se fait peu d'illusions sur les chances de la retrouver en vie. «Aux dernières nouvelles, [les secouristes] étaient sur la ligne d'avalanche», a-t-il laissé tomber, en référence au torrent de neige qui a emporté son aventurière.