Le chef de l'exécutif de Hong Kong a appelé en vain, hier, les manifestants prodémocratie à cesser leur mouvement de protestation. La situation suscite l'inquiétude de plusieurs pays, qui demandent une résolution «pacifique» au conflit.

Faisant fi des appels à rentrer chez eux, les manifestants prodémocratie de Hong Kong ont continué hier d'occuper le coeur de la ville tout en promettant de faire monter la pression d'un cran, aujourd'hui, à l'occasion de la fête nationale chinoise.

«C'est la fête et nous avons un gros cadeau pour la Chine. Comme c'est une journée importante, nous allons tenter d'être encore plus présents et d'occuper encore plus de lieux», a déclaré Kris Cheng, un journaliste local qui participe au mouvement.

En entrevue à La Presse, le jeune homme a relevé que les protestataires étaient d'excellente humeur, même si nombre d'entre eux s'inquiètent de savoir quelle suite les autorités entendent donner au soulèvement.

Plusieurs ont entrepris d'ériger des barricades de fortune avec des clôtures en vue de freiner une avancée éventuelle des forces de l'ordre, qui demeuraient hier en retrait.

«Qu'ils soient inquiets ou non, les gens sont dans la rue. Je ne sais pas exactement ce qui va arriver, mais je sais que ça va continuer», a-t-il souligné.

Un constat partagé par le chef de l'exécutif hongkongais, Leung Chun-ying, qui a rejeté hier les appels à la démission émanant des rangs des manifestants.

En conférence de presse, le politicien a appelé les étudiants et les militants du mouvement Occupy central à libérer les rues tout en convenant du même souffle que la mobilisation risquait de durer «longtemps».

Le dirigeant de Hong Kong a réitéré que le mécanisme de désignation mis de l'avant par Pékin pour choisir son successeur en 2017 ne serait pas révisé. La décision des autorités chinoises de garder un étroit contrôle sur la sélection des candidats a indigné les militants, qui réclament un mode de désignation au suffrage universel.

Appel au calme international

Le prolongement de la confrontation suscite de plus en plus d'inquiétude à l'étranger, où les appels au calme se sont multipliés, hier. Au grand dam des autorités chinoises, qui ont prévenu «les parties extérieures» de ne pas s'ingérer «de quelque façon que ce soit» dans les affaires intérieures du pays.

Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a appelé les deux parties à résoudre «pacifiquement» le conflit, à l'instar des États-Unis et de la France.

La Grande-Bretagne a fait savoir de son côté qu'elle entendait convoquer l'ambassadeur de Chine à Londres pour lui faire part de sa «consternation» devant les méthodes musclées utilisées dimanche par les autorités.

Les policiers avaient alors fait usage de gaz au poivre et de gaz lacrymogène contre les manifestants, ce qui a donné de l'énergie au mouvement d'opposition plutôt que le freiner.

«À tort et à travers»

Gérard Hervouet, qui est professeur au département de science politique de l'Université Laval, pense que les forces de l'ordre ont utilisé les gaz «à tort et à travers» sous la pression de Pékin, qui espérait en vain une résolution rapide du conflit.

Il ne pense pas pour autant que la Chine veuille recourir à la manière forte pour stopper le mouvement de contestation. Notamment parce qu'une telle approche «entamerait profondément l'image» qu'elle cherche à donner à l'étranger.

Le spécialiste, qui a suivi de près à Pékin en 1989 le soulèvement ayant mené au massacre de la place Tiananmen, ne croit pas que ce scénario risque de se répéter, même s'il est très présent à l'esprit des manifestants de Hong Kong.

Les autorités chinoises, dit-il, doivent plutôt espérer qu'une forme de lassitude s'installera parmi les manifestants et que l'appui public au mouvement s'étiolera en raison de l'impact économique des actions de blocage.

Quoi qu'il advienne, note M. Hervouet, il est hautement improbable que Pékin - qui craint un effet de contagion en Chine continentale - recule sur le processus de nomination du chef de l'exécutif.

«Je pense qu'ils ne vont rien concéder du tout. Dans le cas contraire, ça enverrait le signal qu'ils sont faibles et que les manifestations de masse donnent des résultats», conclut le chercheur.

Quatre acteurs principaux de la crise



BENNY TAI

Le professeur de droit de 49 ans a lancé avec un prêtre et un autre enseignant le mouvement Occupy central, qui constitue l'un des moteurs de la contestation en cours. Chantre de la désobéissance civile, il a organisé l'été dernier avec ses collègues une consultation populaire, désavouée par Pékin, lors de laquelle plus de 800 000 personnes se sont exprimées pour un système au suffrage universel afin de désigner le chef de l'exécutif.



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Benny Tai



JOSHUA WONG


L'adolescent de 17 ans, qui a été arrêté et relâché au cours de la fin de semaine, est l'une des figures de proue des manifestations. Il a créé il y a deux ans un mouvement, Scholarism, qui avait réussi à mobiliser plus de 100 000 personnes pour protester contre un programme d'éducation nationale controversé qui a finalement été retiré.

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Joshua Wong



LEUNG CHUN-YING


Le chef de l'exécutif de Hong Kong est devenu la bête noire des manifestants, qui réclament avec insistance sa démission, le présentant comme l'homme lige de Pékin. Le politicien de 60 ans, qui a réussi dans le secteur immobilier, est arrivé à la tête de l'ancienne colonie anglaise en 2012 après avoir fait campagne sur la corruption et les inégalités.

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Leung Chun-ying



XI JINPING


Le président chinois, âgé de 61 ans, est devenu secrétaire général du Parti communiste il y a 18 mois. Fils d'un haut dignitaire, il a lancé à son arrivée au pouvoir une vigoureuse campagne contre la corruption tout en multipliant les pressions sur la société civile chinoise. L'agence Bloomberg a révélé l'été dernier que la fortune de ses proches était évaluée à 376 millions.

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Xi Jinping