Des milliers de Philippins tentaient jeudi désespérément de quitter la ville la plus dévastée par le typhon dans un climat de plus en plus tendu émaillé de violences, tandis que Washington renforçait sa logistique en direction des zones sinistrées.

Six jours après le passage de Haiyan, alors que le bilan devrait se chiffrer en milliers de morts --même si les estimations sont pour l'instant difficiles--, les cadavres continuaient d'encombrer les rues de certaines zones affectées, où flottait une forte odeur de décomposition.

Et les autorités ont été contraintes mercredi de reporter un enterrement collectif dans la ville en ruines de Tacloban, en raison de coups de feu. «Nous avions terminé de creuser le site pour l'enterrement collectif. Nous avions chargé le camion avec les corps mais (...) il y a eu des coups de feu» et la police a demandé au convoi de faire demi-tour, a expliqué le maire Alfred Romualdez.

Ajoutant au lourd bilan, les autorités ont d'autre part annoncé mercredi que huit personnes avaient été tuées la veille dans l'effondrement d'un mur d'un entrepôt de riz en train d'être pillé par la foule à Alangalang, à 17 km de Tacloban.

Les pillards sont repartis avec plus de 100 000 sacs de 50 kilos de riz chacun, a précisé Rex Estoperez, porte-parole de l'Autorité nationale de l'Alimentation.

Six jours après le passage de Haiyan, l'un des plus puissants à avoir jamais touché terre, accompagné de vents à plus de 300 km/heure et de vagues de plus de 5 mètres, de nombreux sinistrés de Tacloban ont perdu tout espoir et cherchent à tout prix à fuir cette apocalypse.

«Nous allons peut-être mourir de faim»

Certains d'entre eux, épuisés, traumatisés et affamés, ont provoqué une bousculade mercredi matin à l'aéroport de la ville, en ruines, suppliant de pouvoir embarquer dans un des rares avions qui quittent la ville.

«Tout le monde panique. Ils disent qu'il n'y a pas de nourriture, pas d'eau, ils veulent partir d'ici», a commenté le capitaine Emily Chang, médecin militaire qui traite les blessés tant bien que mal dans le complexe de l'aéroport.

Une petite fille de sept ans s'est évanouie, écrasée par la foule. «Nous sommes ici depuis trois jours, mais nous n'avons toujours pas réussi à prendre un vol», a expliqué sa mère Angeline. «Nous allons peut-être mourir de faim».

L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a de son côté mis en garde contre les risques de maladie liées notamment à l'eau.

Malgré les promesses de dons de la communauté internationale et l'envoi d'une armada de navires de guerre occidentaux dont la plupart mettront plusieurs jours à arriver, l'aide parvient encore au compte-goutte, même si les autorités ont assuré mercredi que toutes les routes avaient désormais été dégagées sur les deux îles les plus touchées.

L'ONU, qui a lancé mardi un appel aux dons pour 301 millions de dollars, a évoqué la mort de quelque 10 000 personnes dans la seule ville de Tacloban, mais le président philippin Benigno Aquino a estimé que ce chiffre était «trop élevé», évoquant «2000 à 2500» morts.

Le dernier bilan provisoire du gouvernement fait de son côté état de 2.275 morts et 80 disparus.

«A court de sacs mortuaires»

Le secrétaire du gouvernement Rene Almendras a reconnu que les autorités avaient été dépassées par le nombre de morts. «La raison pour laquelle la collecte des corps s'est arrêtée, c'est que nous nous sommes retrouvés à court de sacs mortuaires», a-t-il déclaré mercredi. «Mais nous avons 4000 sacs maintenant. Nous faisons en sorte d'en avoir plus que nécessaire».

Au total, l'ONU estime que plus de 11 millions d'habitants, soit plus de 10% de la population du pays, ont été affectés par cette catastrophe, dont 673 000 ont été déplacés. Et selon l'Organisation internationale du Travail (OIT), quelque trois millions de personnes ont perdu temporairement ou définitivement leur moyen de subsistance.

Mercredi, les annonces ou promesses d'aide, financière ou matérielle, continuaient à affluer.

Le porte-avions américain George Washington et plusieurs autres navires de la Marine américaine ont quitté Hong Kong mardi, avec 7000 marins à bord, pour se rendre au plus vite vers l'archipel. Et les États-Unis ont annoncé mercredi l'envoi supplémentaire de deux navires disposant notamment de capacité de désalinisation d'eau de mer.

Et l'armée américaine continuait mercredi de renforcer les moyens mis en oeuvre pour porter secours aux sinistrés du typhon, avec l'envoi d'une douzaine d'avions et hélicoptères supplémentaires, a annoncé le corps des Marines.

L'armée israélienne a de son côté dépêché mercredi une mission d'assistance médicale, a annoncé une porte-parole militaire.

Faute d'approvisionnement en eau, nourriture, médicaments et abris, des survivants ont pris les armes dans certaines zones pour piller les bâtiments encore debout.

Pour décourager les pillards, un couvre-feu a été instauré à Tacloban et quelque 2000 soldats et de policiers y ont été déployés.

Si la situation dans cette ville est «affligeante», l'inquiétude est également grande pour certaines îles à l'écart, a commenté Patrick Fuller, porte-parole régional de la Croix-Rouge internationale. «Je pense qu'il faudra des jours, si ce n'est des semaines, avant d'avoir un tableau précis de la situation».