La nouvelle direction du Parti communiste chinois (PCC), réunie en conclave à partir de samedi, s'apprête à tracer le cap d'un nouveau train de réformes économiques, tout en gardant les mains libres sur l'ampleur et le calendrier de leur mise en oeuvre.

Les 376 membres du Comité central du Parti se réuniront à huis clos samedi sous haute garde dans un hôtel discret de Pékin pour un plénum de quatre jours, le troisième de ce type depuis la transition il y a un an au sommet du régime.

Les deux premiers plénums servent traditionnellement à désigner les dirigeants du Parti et de l'État, le troisième à fixer les grandes lignes politiques et économiques. Avec parfois un impact décisif: c'est à cette occasion que Deng Xiaoping avait lancé en 1978 sa grande modernisation de l'économie chinoise.

Cette fois, la réunion «devrait marquer un tournant, car des mesures drastiques de politique économique y seront dévoilées», a assuré l'agence officielle Chine nouvelle, à l'unisson de roulements de tambours dans la presse officielle.

L'idée reste toutefois de donner plus de marges de manoeuvre aux marchés et non de saper le rôle du parti unique: selon des professeurs de l'école du PCC interrogés par Chine nouvelle, l'objectif d'éventuelles réformes politiques sera «de renforcer l'autorité du Parti et non de l'amoindrir», notamment à l'heure d'une vaste campagne anti-corruption qui frappe tout l'appareil.

La réunion «déblaiera le terrain» vers «une croissance économique plus durable», grâce à «des réformes étendues et sans précédent», a promis un conseiller gouvernemental, cité lundi par le China Daily.

De fait, le président Xi Jinping et le premier ministre Li Keqiang, en place depuis mars, affichent leur volonté de rééquilibrer la croissance de la seconde économie mondiale, pour la rendre moins dépendante des exportations et des investissements dans les infrastructures.

«Libérer les entreprises de l'emprise visible de l'État est l'une des préoccupations majeures du gouvernement», et le lancement d'une zone franche à Shanghai a été «un signal encourageant», a observé Yao Wei, économiste de la Société Générale.

«Le plénum va certainement réaffirmer la détermination de Pékin à accélérer ces développements», mais «il ne faut pas espérer autre chose qu'une feuille de route avec de vagues échéances», a-t-elle aussitôt tempéré.

Un scepticisme unanimement partagé par les experts de l'économie chinoise.

«Certains sujets seront abordés: la protection sociale, la fiscalité, ou les réformes des marchés financiers. Mais il ne faut pas s'attendre à un train de mesures exhaustif et impliquant des évolutions radicales», abonde Cai Hongbin, professeur de finances à l'Université de Pékin.

Selon lui, certaines mesures spécifiques pourraient même attendre le 13e plan quinquennal en... 2015.

Le Parti pourrait certes décider d'autoriser les gouvernements locaux, lourdement endettés, à lever des fonds via des émissions obligataires -- leur offrant une source de revenus autre que les opérations immobilières.

Mais sur d'autres sujets cruciaux, le plénum pourrait en rester aux intentions, faute de consensus -- notamment sur le devenir des grands groupes publics, parfois peu rentables, mais bénéficiant d'un généreux appui des gouvernements locaux, et s'arrogeant de confortables monopoles sur des secteurs entiers.

«Toute réforme serait confrontée à une résistance acharnée des intéressés, et serait extrêmement difficile à appliquer étant donné les liens très étroits entre groupes publics, gouvernements locaux et banques», ont ainsi expliqué Mark Williams et Julian Evans-Pritchard, du cabinet Capital Economics.

Un influent think tank gouvernemental avait plaidé fin octobre pour des réformes sociales ambitieuses, dont l'autorisation pour les agriculteurs de vendre leurs terres, et surtout une suppression du système du «hukou», le permis de résidence.

Celui-ci, très restrictif, interdit aux quelque 300 millions de ruraux ayant migré vers les villes d'accéder aux services publics de santé, d'éducation, et autres avantages sociaux.

Là encore, les attentes sont ténues: «On peut imaginer des programmes pilotes pour réformer la propriété agraire», mais «il ne faut s'attendre à aucune avancée significative sur le hukou pour les grandes métropoles et capitales provinciales», même si une évolution est attendue pour les villes moyennes, ont prévenu les analystes de Bank of America Merrill Lynch.

«Il y a plus de chance de voir la nouvelle administration proposer un programme de réformes plus satisfaisant dans les prochaines années, une fois qu'elle aura solidifié son pouvoir et accumulé davantage de soutien» dans le Parti, ont-ils observé.