Le procès symbole du régime khmer rouge s'est achevé jeudi, avec les deux plus hauts dirigeants du régime encore en vie qui ont répété ne pas être responsables de la mort de deux millions de personnes, soit le quart de la population du Cambodge, entre 1975 et 1979.

L'accusation avait requis la semaine dernière la perpétuité -- peine maximale prévue par le tribunal de Phnom Penh parrainé par l'ONU -- contre l'idéologue des Khmers rouges Nuon Chea, 87 ans, et le chef de l'État du «Kampuchéa démocratique» Khieu Samphan, 82 ans, jugés pour crimes contre l'humanité.

Mais les deux hommes ont une nouvelle fois rejeté toutes les accusations.

«Pendant ce procès, il a été montré clairement que je n'ai ordonné aucun crime, contrairement à ce que disent les procureurs. Pour faire court, je suis innocent de ces accusations», a déclaré Nuon Chea au dernier jour de ce procès commencé en 2011, insistant sur le fait qu'il avait servi son pays et son peuple.

«Je demande respectueusement (aux juges) de m'acquitter de toutes les charges et de me libérer», a-t-il ajouté, reconnaissant malgré tout une certaine responsabilité.

«Je voudrais exprimer mes plus profonds remords et ma responsabilité morale pour les victimes et le peuple cambodgien qui ont souffert», a-t-il ainsi concédé, rejetant en même temps la faute sur les «traîtres» et les Vietnamiens qui avaient chassé les Khmers rouges du pouvoir en 1979.

Malgré cette reconnaissance de responsabilité «morale», Ngor An, Cambodgien de 69 ans venu assister à l'audience, a accusé Nuon Chea d'être «un lâche», incapable de reconnaître sa responsabilité décisionnelle. «Il doit être condamné à la prison à vie», a tranché celui qui a perdu dix proches, dont trois enfants, sous les Khmers rouges.

Khieu Samphan n'a quant à lui admis aucune responsabilité, même morale, accusant ses accusateurs d'avoir «manipulé» ses propos.

«Massacre des innocents»

«Je n'ai jamais décidé de l'évacuation de la population ou d'un massacre des innocents», a-t-il dit, s'en tenant à la ligne de défense qui a été la sienne tout au long des deux ans de procès.

Il a tenté de convaincre du fait que son poste de chef de l'État du «Kampuchéa démocratique» n'était qu'honorifique.

«La réalité, c'est que je n'avais aucun pouvoir, ce qui m'allait très bien. Cela a probablement été mon erreur parce que je suis resté proche des individus qui avaient le pouvoir», a-t-il insisté.

Les co-procureurs avaient eux décrit la semaine dernière le rôle «primordial» des deux accusés dans le régime totalitaire de Pol Pot qui a conduit à la mort un quart de la population du pays, d'épuisement, de faim, sous la torture ou dans des exécutions sommaires.

Dans le but d'obtenir au moins un verdict avant la mort des accusés octogénaires, la procédure pour crimes contre l'humanité, crimes de guerre et génocide conduite contre eux a été découpée.

Ce premier «mini-procès» se concentre sur les «crimes contre l'humanité» qu'ont constitué les déplacements forcés de population lors de l'évacuation des villes, en application de l'utopie marxiste des Khmers rouges de créer une société agraire, sans monnaie ni citadins.

Lors de l'une des plus grandes migrations forcées de l'Histoire moderne, la capitale notamment avait été vidée de ses deux millions d'habitants obligés d'aller travailler dans des fermes collectivistes.

Mais Nuon Chea a assuré que cette évacuation de Phnom Penh n'était «pas forcée», conduite «sur une base volontaire, sans coercition, violence ou meurtre».

Malgré le découpage de la procédure, le tribunal a perdu deux des quatre accusés jugés au départ lors ce procès symbole.

L'ancien ministre des Affaires étrangères Ieng Sary est décédé en mars, à 87 ans, et sa femme, l'ex-ministre des Affaires sociales Ieng Thirith, a été libérée pour démence.

Khieu Samphan a exprimé jeudi sa défiance vis-à-vis du tribunal chargé de le juger. «Il apparaît clairement que l'on ne veut de moi qu'une chose, que je reconnaisse ma culpabilité», a-t-il conclu, avant d'être ramené dans sa prison, juste derrière le tribunal, à la fin de l'audience.

Le verdict est attendu au premier semestre 2014.