La Commission électorale du Cambodge a confirmé dimanche la victoire aux législatives du parti de l'inamovible premier ministre Hun Sen entachée par des soupçons de fraude qui ont jeté l'opposition dans la rue.

Le Parti du peuple cambodgien (CPP) de Hun Sen conserve sa majorité au Parlement avec 68 sièges contre 55 au Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP) de Sam Rainsy, chef de file de l'opposition, a indiqué la commission électorale (NEC) sur son site internet.

Il s'agit du plus mauvais score du parti au pouvoir depuis 1998.

La proclamation de la NEC rend toutefois définitif le résultat des législatives du 28 juillet et prive désormais l'opposition de tout recours légal pour les contester.

Elle fait également craindre un durcissement des tensions entre l'opposition et le pouvoir alors que des soldats et des véhicules blindés restent déployés à Phnom Penh depuis les élections.

Quelque 20.000 manifestants s'étaient réunis samedi dans la capitale, lotus à la main en signe de paix, pour protester.

«Ceux qui ont volé nos votes ne vivront pas heureux», a déclaré à cette occasion Sam Rainsy, le chef de file de l'opposition, après une prière dans laquelle il a appelé à l'aide «les esprits» des anciens rois cambodgiens, pour que «justice soit faite», et dénoncé une «dictature».

Sam Rainsy, un Franco-Cambodgien de 64 ans, est rentré d'exil en juillet, à dix jours du vote, après avoir été gracié de condamnations qu'ils jugeaient politiques. Il n'a pas été autorisé à se présenter aux législatives mais sa présence a clairement galvanisé ses partisans et donné un souffle à son camp.

L'opposition réclame une enquête sur les fraudes par une commission indépendante. Mais Hun Sen, au pouvoir depuis 28 ans et dont le gouvernement est accusé de réduire ses opposants au silence, a assuré qu'il resterait premier ministre et formerait un nouveau gouvernement même si l'opposition boycottait le nouveau Parlement.

Le CNRP, qui revendique la victoire avec 63 des 123 sièges du Parlement, donne l'impression d'un certain flottement et d'une absence de stratégie claire depuis les élections de fin juillet.

À 60 ans, Hun Sen est l'un des plus anciens dirigeants d'Asie. Symbole de la stabilité et de la paix pour beaucoup de Cambodgiens, il a présidé à la transformation d'un pays émergeant de décennies de guerre civile et devenu l'une des économies les plus dynamiques de la région.

Mais son gouvernement est régulièrement accusé de réduire ses opposants au silence. Et il a du mal à contenir un fort mécontentement social et une colère croissante face à l'impunité des forces de l'ordre et à la confiscation des terres au profit d'entreprises étrangères et des élites.

La diplomatie américaine avait exhorté mi-août le régime cambodgien et son opposition à régler pacifiquement leur contentieux  en évoquant de «graves irrégularités» au cours du scrutin et réclamant une «enquête complète et transparente».

Washington a des relations tendues avec Phnom Penh, notamment sur le dossier des droits de l'homme et des libertés publiques. Des parlementaires américains avaient plaidé avant les élections pour une suspension de l'aide au Cambodge en cas de fraudes.

L'organisation Transparency International a fait état d'irrégularités importantes dès la fin du processus électoral.

Le Comité pour des élections libres et justes au Cambodge, qui observe le processus électoral, a de son côté affirmé que jusqu'à 1,25 million de personnes théoriquement inscrites n'apparaissaient sur aucune liste d'émargement.