L'homme d'affaires Mamnoon Hussain a été élu mardi par les parlementaires pour succéder au président Asif Ali Zardari à la tête du Pakistan, géant musulman en proie à la montée en puissance des talibans.

Le candidat de la Ligue musulmane (PML-N) a devancé sans difficulté son seul rival pendant ce scrutin sans surprise qui s'est déroulé quelques heures après une attaque spectaculaire des talibans pakistanais du TTP contre une prison du nord du pays ayant permis de libérer près de 250 détenus.

Au Pakistan, le président est élu par un comité restreint formé des membres du parlement national et de députés des assemblées des quatre provinces. Chaque province disposait du même nombre de voix dans cette présidentielle, une mesure destinée à préserver un minimum d'équilibre dans ce pays où plus de la moitié de la population vit au Pendjab.

L'élection initialement prévue pour le 6 août avait été avancée à mardi par la Cour Suprême, une décision décriée par le Parti du peuple pakistanais (PPP) du président Zardari, formation qui est passée dans l'opposition après sa déconfiture aux législatives de mai remportées par La Ligue musulmane (PML-N) de M. Sharif.

Frustré par la décision de la Justice, le PPP, aujourd'hui la principale formation de l'opposition, a boycotté ce scrutin qu'il n'avait mathématiquement aucune chance de remporter.

A la suite du boycottage du PPP, du désistement de certains candidats et du rejet d'autres candidatures, deux aspirants seulement restaient en lice pour le titre de président de la République islamique du Pakistan.

Mamnoon Hussain, un ténor de la PML-N qui a fait fortune dans le textile et a été brièvement gouverneur de la province méridionale du Sind en 1999, affrontait Wajihuddin Ahmed, un ex-juge de la Cour suprême à la retraite qui défend les couleurs du Tehreek-e-Insaf (PTI), formation ascendante de l'ex-gloire du cricket Imran Khan.

Cet homme âgé de 73 ans, né en Inde comme plusieurs autres dirigeants pakistanais de sa génération, avant la partition des Indes britanniques en août 1947, a la confiance du premier ministre Nawaz Sharif qui devrait rester le grand maître du jeu politique pakistanais.

Un amendement constitutionnel en 2010 avait en effet redonné plus de pouvoir à la chambre basse du parlement et au premier ministre, ce qui n'avait toutefois pas empêché le président Zardari de tirer les ficelles.

Le mandat de ce dernier à la tête de ce pays de 180 millions d'habitants coutumier des coups d'État militaires a été marqué par une première transition démocratique entre deux gouvernements civils, mais miné par la recrudescence des attentats perpétrés par des groupes islamistes armés ou mafieux et une crise énergétique qui plombe le secteur industriel.

Maintenant qu'il n'est plus à la tête de l'État, Asif Ali Zardari pourrait quitter le Pakistan pour éviter d'être assassiné comme son ex-épouse Benazir Bhutto, en décembre 2007, et le chef de sa garde personnelle, tué à la mi-juillet dans un attentat. En s'exilant, il pourrait aussi échapper à d'éventuelles accusations de corruption, estiment les commentateurs.

M. Zardari a tenté sans succès au cours de la dernière année de placer son fils Bilawal Bhutto Zardari, jeune diplômé d'Oxford, au premier plan dans la machine du PPP afin de faciliter une transition au sein même de ce parti.

«Il y a une crise de leadership au PPP(...). Bilawal n'est toujours pas en position de gérer les affaires du parti. Il a besoin des appuis de son père. Si Zardari quitte le Pakistan, il ne pourra appuyer son fils», considère l'analyste Hasan Askari.