L'opposition au Cambodge jetait ses dernières forces dans la bagarre électorale samedi, à la veille de législatives qui devraient maintenir au pouvoir l'homme fort du pays Hun Sen, accusé de vouloir truquer le scrutin.

Sam Rainsy, patron de l'opposition rentré d'exil il y a une semaine, mais qui n'a pas eu l'autorisation de se présenter personnellement, a accusé son adversaire de ne pas oser l'affronter à la régulière.

«Si le premier ministre veut garder son poste, il doit être suffisamment brave pour m'affronter. Mais il évite le combat», a-t-il déclaré à la presse. «Le premier ministre sortant est un lâche».

Selon lui, le pouvoir a prévu de nombreuses irrégularités pour s'assurer de la victoire.

«Nous avons enquêté et trouvé que des dizaines de milliers de noms avaient été dupliqués dans les listes électorales pour permettre à des gens de voter deux fois», a-t-il affirmé.

«Plus de gens vont voter pour nous», a-t-il estimé. «Mais je soupçonne le parti au pouvoir, sachant cela, de tricher encore plus. Ils vont tricher comme des fous».

L'opposant a par ailleurs affirmé que l'encre indélébile utilisée pour marquer le pouce des électeurs et censée empêcher qu'ils ne votent deux fois était facilement lavable.

Après presque 30 ans au pouvoir, Hun Sen n'a même pas pris la peine de faire campagne. Le premier ministre a dirigé le royaume tout seul ou presque depuis 1985 et promis de rester au pouvoir encore au moins dix ans.

Mais l'opposition est désormais dopée par le retour de Rainsy.

«Avant de vous dire comment nous allons réagir, nous devons attendre de voir ce que proclamera la commission nationale électorale» (NEC), a-t-il déclaré, laissant supposer qu'il s'attendait à être battu. «Plus ils vont tricher, plus le résultat nous sera défavorable».

Il a aussi laissé planer le doute d'une révolte populaire. «Je ne suis pas sûr de pouvoir contrôler la population, en particulier les jeunes», a-t-il assuré, affirmant avoir fait l'objet de plusieurs tentatives d'assassinat.

Le rapporteur spécial de l'ONU sur les droits de l'Homme au Cambodge a de son côté réclamé une enquête contre les accusations d'intimidations.

«Tout électeur doit se voir accorder la possibilité d'exercer son droit de vote sans intimidation, ni crainte ni pression», a déclaré Surya Subedi.

À 60 ans, Hun Sen est l'un des plus anciens dirigeants d'Asie. Son parti a accru son emprise sur le parlement à chaque élection depuis 1998.

Khieu Kanharith, porte-parole du gouvernement et du CPP, a nié toute malversation. «Le CNRP a des observateurs partout», a-t-il expliqué à l'AFP. «Ils doivent pointer du doigt ces irrégularités, et non se contenter de parler (...). Ce n'est qu'une excuse pour (leur) défaite à venir».

Mais sa majorité absolue, avec 90 sièges sur 123 dans l'assemblée sortante, pourrait être menacée par le Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP) de Rainsy, selon les observateurs.

Le Parti du peuple cambodgien (CPP) de Hun Sen a présidé à la transformation d'un pays émergeant de décennies de guerre civile, et devenu l'une des économies les plus dynamiques d'Asie du sud-est.

Mais ce développement s'est accompagné d'un mécontentement social croissant sur les conditions de travail, ainsi que sur la confiscation de terres au profit d'entreprises étrangères et de l'élite.

Le gouvernement est régulièrement accusé de réduire au silence ses opposants.

Un collectif d'associations de défense des droits de l'Homme et d'observation des élections avait dénoncé cette semaine de nombreuses «irrégularités» dans la campagne.

Samedi, elles ont confirmé la mauvaise qualité de l'encre indélébile et regretté de ne pas être autorisées à vérifier les listes dans les bureaux de vote.

«La NEC devrait s'assurer que les partis politiques ont accès à la liste électorale officielle», ont-elles relevé.

Les bureaux de vote seront ouverts de 7 h du matin à 15 h.