Le chef de l'opposition cambodgienne en exil Sam Rainsy a été gracié vendredi par le roi et a immédiatement annoncé son retour au pays pour aider son parti avant les législatives de fin juillet dont le premier ministre est encore donné gagnant après 28 ans au pouvoir.

Le chef du Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP), 64 ans, vit en France pour échapper à trois condamnations à un total de onze années de prison, que ses partisans jugent politiques.

Mais celui qui est considéré comme le plus important adversaire du premier ministre Hun Sen est désormais «un homme libre», a déclaré le porte-parole du gouvernement Phay Siphan. «Il est le bienvenu à la maison et il peut rentrer n'importe quand».

Une invitation immédiatement acceptée par l'intéressé, qui avait écrit au roi Norodom Sihamoni en juin pour demander sa grâce et qui a annoncé à l'AFP son retour «dans les prochains jours».

«C'est une petite victoire pour la démocratie que le leader de l'opposition soit autorisé à être dans le pays pendant la campagne électorale et le jour des élections», a-t-il déclaré par téléphone depuis la France. Cela montre que «le Cambodge va dans la bonne direction», mais «beaucoup reste à faire». Et «il faudra une autre décision politique pour me permettre d'être candidat».

L'opposant a en effet été retiré des listes électorales et ne peut de ce fait être candidat, a confirmé à l'AFP Tep Nytha, secrétaire général de la commission électorale, précisant qu'il faudrait un amendement à la loi pour changer la situation.

Mais cela n'a pas empêché les partisans de Rainsy de descendre dans les rues de Phnom Penh pour crier leur joie.

Dans une lettre au roi, envoyée vendredi et lue par l'AFP, Hun Sen, au pouvoir depuis 1985, a plaidé pour cette grâce «dans un esprit de réconciliation nationale et pour permettre aux élections d'avoir lieu selon des principes démocratiques».

Une décision saluée par l'ambassade des États-Unis à Phnom Penh qui a appelé le gouvernement à permettre «un retour dans un environnement sûr» pour Rainsy.

Les États-Unis avaient émis des doutes sur l'équité du processus électoral sans sa participation effective et des élus américains ont réclamé cette semaine le gel des aides américaines si le scrutin n'était pas juste et libre.

L'opposition de son côté dénonce un système de corruption généralisée et la mainmise du clan Hun Sen sur tous les organes du pouvoir.

Si les partis de l'opposition sont effectivement autorisés à faire campagne, les observateurs doutent qu'ils aient la moindre chance d'évincer l'homme fort du Cambodge, qui avait remporté 90 des 123 sièges de l'assemblée en 2008, sur fond d'accusations de fraude.

Dans l'espoir malgré tout de le faire tomber, Rainsy s'est allié l'an dernier avec un autre opposant, Kem Sokha, pour créer le CNRP.

La campagne électorale a été officiellement lancée le 27 juin, mais avait de facto commencé plusieurs semaines auparavant, avec un durcissement marqué des discours de part et d'autre.

Hun Sen n'a ainsi pas hésité à brandir le risque d'un nouveau plongeon dans la guerre civile en cas de victoire de l'opposition. Car Sam Rainsy a promis de poursuivre des ministres qu'il accuse d'être impliqués dans les atrocités du régime khmer rouge qui a fait quelque 2 millions de morts entre 1975 et 1979.

Le numéro deux du CNRP, Kem Sokha, est de son côté au coeur d'une polémique liée à la publication sur un site du gouvernement d'un enregistrement dans lequel il aurait remis en cause l'existence de la prison de Tuol Sleng, où 15 000 personnes ont été torturées avant d'être exécutées par les Khmers rouges.

L'enregistrement, coupé et tronqué selon Sokha, lui a valu une plainte pour diffamation et a permis à Hun Sen d'obtenir en urgence le vote d'une loi interdisant la négation des crimes khmers rouges.