Six employés locaux d'une campagne de lutte contre la poliomyélite ont été tués par balle en moins de 24 heures au Pakistan où les insurgés islamistes s'opposent à la vaccination contre cette maladie virale encore endémique dans ce pays.  

À Karachi, mégapole du sud du pays, quatre femmes ont été tuées mardi en à peine une heure dans différents secteurs de la ville alors qu'elles administraient des vaccins dans le cadre d'une campagne anti-poliomyélite, a indiqué à l'AFP un haut responsable de la police, Shahid Hayat.

Un homme avait été tué lundi au premier jour d'une campagne de vaccination nationale dans ce pays musulman de plus de 180 millions d'habitants, l'un des trois au monde où la polio est encore endémique avec l'Afghanistan et le Nigeria.

«Ces victimes sont toutes des employés du ministère de la Santé de la province du Sind», dont Karachi est la capitale, a ajouté ce responsable, qui ne connaissait pas l'identité des assaillants. «Des religieux ont déjà émis des fatwas contre la campagne de vaccination anti-polio», a-t-il spécifié.

Une sixième personne oeuvrant pour une campagne anti-poliomyélite a été tuée mardi à Mathra, dans la banlieue de Peshawar, grande ville du nord-ouest du pays dans la province du Khyber Pakhtunkhwa, à la porte de zones tribales considérées comme un sanctuaire des talibans et de groupes liés à al-Qaïda.

Deux hommes armés ont ouvert le feu sur deux soeurs membres d'une équipe de vaccination, selon des sources policières. «L'une des deux soeurs a été grièvement blessée et a succombé à ses blessures à l'hôpital, l'autre a été légèrement blessée», a dit à l'AFP Javed Khan un haut responsable de la police.

Les autorités ont «suspendu temporairement» la campagne de vaccination dans les deux provinces pour des raisons de sécurité, ont indiqué l'UNICEF et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) dans un communiqué conjoint.

«De telles attaques privent les populations les plus vulnérables du Pakistan, et principalement des enfants, des soins les plus essentiels», ont regretté les deux organisations.

Au Pakistan, des milliers de parents refusent toujours que leurs enfants soient vaccinés contre la poliomyélite, une maladie virale qui peut entraîner la paralysie, en raison notamment de la pression de certains imams et d'insurgés talibans.

Le seigneur de guerre Hafiz Gul Bahadur, plus important commandant des talibans pakistanais au Waziristan du Nord, une zone tribale du nord-ouest, considérée comme le centre de la mouvance djihadiste dans la région, avait interdit en juin une campagne de vaccination sur «son» territoire.

Cette mesure, qui mettait en danger 240 000 enfants, visait à contester les tirs de drones américains dans la région et témoignait de la méfiance des insurgés à l'égard des humanitaires qu'ils accusent souvent d'être des espions, surtout depuis «l'affaire Afridi».

Le Pakistanais Shakeel Afridi a été condamné le 23 mai dernier à 33 ans de prison par un tribunal pakistanais pour avoir participé à une fausse campagne de vaccination organisée par la CIA à Abbottabad (nord-ouest) pour s'assurer, via des prélèvements d'ADN sur sa famille, qu'Oussama ben Laden se trouvait bien sur place comme elle le soupçonnait.

Cette campagne avait été menée en mars 2011, peu avant le raid américain au cours duquel ben Laden a été abattu sur place le 2 mai.

Pour convaincre la population que leur campagne de vaccination n'est pas une machination occidentale, les organisations internationales tentent de rallier à leur cause des dignitaires religieux influents, mais moins hostiles.