Moins d'un mois après le congrès du PC chinois et l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping, une nouvelle campagne anticorruption prend forme en Chine et les têtes commencent à tomber, même si la nouvelle équipe aura du mal à convaincre de sa capacité à faire le ménage tant le mal est profond.

La presse officielle multiplie ces derniers temps les informations sur les responsables affichant un luxe ostentatoire ou une vie corrompue --montres de grande valeur ou nombreuses maîtresses-- comme autant de signaux à la population de la volonté de la nouvelle équipe au pouvoir de passer à l'acte.

Derniers en date, le numéro deux du parti communiste pour la province du Sichuan (sud-ouest) et l'ancien maire adjoint de Shenzhen, près de Hong Kong, ont été placés sous enquête de la «police interne» du PC chinois.

Sur son site internet, le Quotidien du Peuple, organe du PC, a salué leur chute comme «le départ de la tempête anticorruption».

Mais l'ampleur et la profondeur voulues de cette campagne restent incertaines, après l'avertissement solennel du président sortant Hu Jintao au congrès du PC le mois dernier que la corruption avait atteint un point tel qu'elle menaçait d'«effondrement» le régime tout entier. Son successeur, Xi Jinping, lui a fait écho dès sa nomination le 15 novembre en avertissant qu'elle pouvait «tuer» le parti unique.

Depuis, plusieurs cadres intermédiaires de niveau local ont défrayé la chronique dans la presse officielle, dont un chef de la police entretenant comme maîtresses deux soeurs jumelles, l'une d'elles avec un emploi à la clé dans le gouvernement local, et un fonctionnaire de Chongqing (sud-ouest), limogé après que des vidéos eurent montré sur internet ses ébats avec une maîtresse.

À un échelon plus élevé, c'est maintenant le maire d'une capitale provinciale, Lanzhou (province du Gansu, nord-ouest), qui s'est fait «pincer» sur internet après s'être affiché avec une montre de luxe au poignet.

Jeudi, un journaliste d'investigation chinois a frappé encore plus haut: sur Weibo, le «Twitter chinois», il a accusé le chef de l'administration nationale de l'Énergie de fraude sur ses diplômes, de corruption et de menaces de mort.

Le responsable, Liu Tienan, accompagnait en visite officielle en Russie le nouveau responsable de la lutte anticorruption, Wang Qishan, l'un des sept membres du nouveau comité permanent du Bureau politique, selon le quotidien officiel Global Times.

L'administration de l'Énergie a rapidement démenti les accusations, mais, fait nouveau, la censure, d'habitude prompte à effacer les messages accusateurs contre les responsables, a laissé celui du journaliste sur Weibo.

Le Global Times a salué le phénomène, soulignant que depuis l'arrivée de Xi Jinping, quelque 17 responsables ont été dénoncés à des titres divers par «des maîtresses, des journalistes, des usagers de l'internet ou des sources internes» à l'administration.

Mais le PC chinois est un mastodonte de 82 millions de membres encadrant la population à tous les niveaux et une récente enquête du Pew Research Center montre que 50% des Chinois jugent que sa corruption est un problème majeur.

Largement attendue, la décision de Xi Jinping de lancer une campagne anticorruption conclut une année catastrophique pour l'image du PCC avec l'affaire Bo Xilai, du nom du flamboyant patron de l'immense métropole de Chongqing, membre du précédent Bureau politique du PCC, tombé pour corruption et impliqué dans une affaire de meurtre. Il est en attente de jugement.

Les cadres communistes sont d'abord soumis à la «justice interne» du PCC, une procédure qui alimente les soupçons d'instrumentalisation pour des règlements de comptes politiques.

La chute de Li Chuncheng, le numéro deux du parti au Sichuan, promu sous Hu Jintao, et l'enquête en cours «semblent répondre à des motivations politiques», estime Jean-Pierre Cabestan, un expert de la Hong Kong Baptist University.

La presse officielle a remis à l'ordre du jour la question récurrente de la déclaration des revenus des responsables, mais «le système tout entier est opaque, il n'y a pas de possibilité de contrôle», estime M. Cabestan.

La situation demeurera inchangée selon lui «tant qu'il n'y aura pas de réforme politique potentiellement déstabilisante» pour le PCC.