La dépouille de l'ex-roi du Cambodge Norodom Sihanouk, décédé à Pékin, est arrivée mercredi à Phnom Penh où l'attendait une foule immense pour un hommage à celui qui a épousé l'histoire du pays pendant les sept dernières décennies.    

L'avion transportant le corps s'est posé dans la capitale cambodgienne peu avant 15 h (4 h, heure de Montréal), dans un aéroport submergé par les admirateurs du souverain dont certains s'étaient juchés sur le toit des voitures pour apercevoir le tarmac.

Le cercueil drapé dans un drapeau bleu royal et recouvert de fleurs a été ensuite emmené dans une procession lente jusqu'au palais royal sur un char doré en forme d'oiseau mythologique, sous la protection de moines.

« C'est un triste jour pour le peuple cambodgien. Le roi-père aimait beaucoup ses enfants », a expliqué Theng Nary, 67 ans, des larmes sur la joue.

Le Cambodge a décrété une semaine de deuil national et annulé les célébrations le mois prochain de la fête de l'eau, qui attire habituellement des millions de personnes à Phnom Penh.

Les funérailles, probablement grandioses et dans la grande tradition de la royauté khmère, sont prévues dans trois mois. D'ici là, le corps du défunt sera exposé à la foule et pourrait être embaumé, selon l'aide de camp de Sihanouk, le prince Sisowath Thomico.

Sihanouk, que la puissance coloniale française avait dès 1941 installé sur le trône à l'âge de 18 ans, a accompagné les soubresauts de son pays depuis l'indépendance jusqu'à la guerre civile, en passant par « l'âge d'or » des années 50 et 60 et la terreur des Khmers rouges.

Mais les Cambodgiens semblaient vouloir ne retenir que le meilleur d'un homme qui a pourtant été très dur avec ses adversaires et n'a reculé devant aucun calcul politique, comme lorsqu'il a fait alliance avec le régime de Pol Pot (1975-1979), responsable de la mort de deux millions de personnes.

Des portraits géants d'un Sihanouk tout sourire étaient disposés dans les rues de la capitale qui se sont remplies au fur et à mesure de la journée de sujets vêtus de blanc, couleur du deuil chez les bouddhistes, et équipés de drapeaux du Cambodge.

« Il y a plus de 100 000 personnes dans les rues, d'autres sont en train d'arriver », a affirmé à l'AFP le porte-parole du gouvernement Khieu Kanharith peu avant l'atterrissage.

« J'espère voir la dépouille royale, je veux voir son visage une dernière fois », a déclaré Mean Pichavisa, 16 ans, assis devant le palais en découpant des rubans noirs pour ses amis. « Je me souviendrai de lui jusqu'à ma mort », a ajouté l'adolescent, qui s'est rasé la tête pour marquer le deuil.

Proche de Mao et de Chou Enlai, Sihanouk, une des figures historiques du XXe siècle, vivait le plus clair de son temps à Pékin depuis quelques années pour y suivre des traitements contre le cancer, le diabète et l'hypertension. Il avait abdiqué en octobre 2004 en faveur de son fils Sihamoni.

Les autorités chinoises ont elles-mêmes répété l'importance qu'avait pour elles ce « grand ami » qui s'est éteint lundi, quelques jours avant ses 90 ans. Sur la place Tian'anmen, les drapeaux chinois ont été mis en berne, ainsi qu'à l'entrée de Zhongnanhai, le siège du pouvoir qui jouxte la Cité interdite.

La télévision d'État CCTV a chamboulé ses programmes habituels pour diffuser en direct - événement rare - des images du convoi mortuaire dans les rues de Pékin où, au fil des décennies, il avait trouvé un refuge politique et médical.

La dépouille de Sihanouk était accompagnée par sa veuve Monique, son fils Sihamoni et le premier ministre cambodgien Hun Sen.

Le conseiller d'État Dai Bingguo, plus haut responsable chinois chargé de la diplomatie, devait aussi rester à ses côtés jusqu'à Phnom Penh selon la presse officielle chinoise.