Le gouvernement des Philippines et les rebelles séparatistes musulmans du sud de l'archipel ont annoncé dimanche la conclusion d'un accord pour mettre fin à une rébellion qui a causé 150 000 morts depuis 1978 et fait des centaines de milliers de déplacés.

L'accord-cadre, annoncé par le président Benigno Aquino, prévoit l'établissement d'une zone semi-autonome dans le sud de l'archipel, la région de Mindanao à forte population musulmane dans un pays très largement catholique.

Mindanao, qui désigne la grande île du sud, sert de base au Front moro islamique de libération (MILF), le principal groupe de la rébellion musulmane fort de quelque 12 000 membres.

«Cet accord-cadre ouvre la voie à une paix durable à Mindanao», a déclaré le président. «Il amène tous les anciens groupes sécessionnistes en son sein. Le MILF ne réclame plus un État séparé».

Le groupe rebelle s'est félicité de cet accord, intervenu samedi en Malaisie après des mois de négociations, et y voit «le début de la paix».

«Nous sommes heureux et nous en remercions le président», a déclaré à l'AFP par téléphone Ghazali Jaafar, le vice-président du MILF responsable des affaires politiques.

La secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a salué dimanche l'accord-cadre et appelé les deux parties à le mettre en oeuvre «pleinement».

«Cet accord est un témoignage de l'engagement de toutes les parties à trouver une solution pacifique au conflit dans le sud des Philippines», estime Mme Clinton dans un communiqué. «Les prochaines étapes consisteront à s'assurer que cet accord-cadre est pleinement mis en oeuvre», écrit-elle.

Le président Aquino n'a pas donné de calendrier pour la proclamation d'un accord de paix définitif, mais Ghazali Jaafar a indiqué que les deux parties tablaient sur la mi-2016 comme échéance ultime.

Aquino et Jaafar ont souligné que des obstacles restaient à franchir, dont la soumission de l'accord à la population philippine via un référendum.

Or rien ne garantit que le référendum passera dans ce pays très largement catholique. Sous Gloria Arroyo, la présidente précédente, un projet d'accord s'était effondré en 2008 dans la dernière ligne droite, en raison d'une forte opposition intérieure.

Jaafar a également rappelé que l'accord annoncé ce dimanche était une simple ébauche, «une feuille de route», et qu'il restait à discuter de nombreux points, dont l'étendue de la région semi-autonome. Rien n'a également été communiqué sur un éventuel abandon des armes par les rebelles.

Mindanao est une des zones les plus fertiles de l'archipel et ses sous-sols recèlent or, cuivre et autres minerais, peu exploités pour le moment. Des décennies de violences et de troubles en ont fait une des régions les plus pauvres des Philippines.

Elle compte quelque 4 millions de musulmans (sur plus de 20 millions d'habitants), qui la considèrent comme leur territoire ancestral, depuis l'époque des sultanats musulmans établis avant l'arrivée des catholiques espagnols au 16e siècle.

Le gouvernement maintiendra son contrôle dans les domaines de la défense, la sécurité, les politiques étrangère et monétaire, selon le gouvernement.

Le MILF et d'autres groupes rebelles se battent pour l'indépendance du sud des Philippines depuis le début des années 70. La guerre a fait plus de 150 000 morts, la plupart lors de la décennie sanglante de 1970, et laissé des pans entiers de la région dans une immense pauvreté.

Le MILF a démarré les négociations avec le gouvernement en 1997, mais elles ont été très vite interrompues par une vague d'attaques de l'armée, à la demande du président Joseph Estrada.

Gloria Arroyo avait conclu un cessez-le-feu en 2003 et démarré des négociations de paix. Nouvel échec en 2008, qui a conduit à des attaques du MILF sur des villages chrétiens, provoquant la mort de 400 personnes et le déplacement de 750 000 autres.

Benigno Aquino avait relancé le processus de paix en août 2011, en rencontrant au Japon, en secret, le président du MILF Mourad Ebrahim. Il s'agissait du premier tête-à-tête entre le chef des rebelles et un président philippin en exercice.