Les pluies diluviennes qui se sont abattues samedi dernier sur Pékin ont fait 77 morts, selon un nouveau bilan annoncé jeudi par l'agence Chine nouvelle alors que beaucoup d'habitants doutaient ouvertement du précédent bilan de 37 décès, inchangé depuis quatre jours.

Les trombes d'eau tombées 16 heures durant sur Pékin et ses environs avaient fait monter l'eau sous les ponts autoroutiers, où des automobilistes étaient restés pris au piège dans leur voiture, tandis que des habitations s'étaient effondrées et que des cours d'eau étaient sortis de leurs lits.

«Toutes les couches de la société s'inquiètent du nombre de victimes, et il faut établir les causes des décès», avait reconnu lundi le secrétaire du Parti communiste de la capitale, Guo Jinlong, qui a depuis démissionné de ses fonctions de maire, un poste moins élevé.

La porte-parole de la municipalité, Wang Hui, avait promis que les autorités ne passeraient pas de décès sous silence, reconnaissant implicitement les doutes formulés par le public sur le premier bilan officiel.

Mme Wang avait souligné la nécessité que lumière soit faite, en rappelant la crise du SRAS, l'épidémie de pneumonie atypique en 2003 dont le gouvernement avait dans un premier temps caché la présence dans la capitale, contribuant ainsi à la propagation de la maladie en retardant la mise en place de mesures de prévention.

Après le déluge de samedi, les autorités ont demandé aux médias officiels de se concentrer sur les «nouvelles positives» comme les actes de bravoure de certains secouristes, après avoir été critiquées pour leur manque de préparation face à cette catastrophe naturelle.

La vétusté et l'insuffisance du système d'évacuation des eaux de la mégalopole de 20 millions d'habitants ainsi que l'absence d'envoi de messages d'alerte par SMS à la population ont notamment été mises en cause par les internautes.

Face au flot de critiques sur les microblogues, le chef de la police de la ville, Fu Zhenghua, a prévenu que ceux qui critiquaient le gouvernement ou le parti communiste au pouvoir seraient châtiés.

«Dorénavant, nous allons punir sévèrement ceux qui utilisent l'internet pour (...) lancer et propager des rumeurs politiques et attaquer le parti communiste, les dirigeants de l'État et le système actuel», a déclaré M. Fu, cité par le quotidien local Jinghua Shibao.

Ces mises en garde marquent un raidissement du régime à l'approche d'un important congrès du Parti communiste cet automne, à l'occasion duquel, pour la première fois depuis une décennie, une nouvelle génération de dirigeants chinois doit accéder au sommet du pouvoir.

Les commentaires acerbes se poursuivaient néanmoins jeudi, mais beaucoup d'entre eux disparaissaient aussitôt de la toile, apparemment effacés par les censeurs.

«C'est une confrontation ouverte avec le peuple», déclarait un internaute en réaction aux propos du chef de la police.

«Nous vivons de nouveau à une époque où l'empereur a tous les pouvoirs», constatait un autre blogueur tandis qu'un troisième estimait que «les dirigeants chinois sont tout puissants sous le ciel».