L'ouverture politique en Birmanie constitue une promesse fabuleuse sur le plan économique, qui suppose une série de réformes toutes plus complexes les unes que les autres pour lesquelles elle devra s'appuyer sur l'étranger, estiment les analystes.

Réunis il y a quelques jours à Naypyidaw pour se pencher sur les perspectives de développement du pays, chercheurs et experts birmans et étrangers ont témoigné d'une foi contagieuse dans l'avenir.

Le pays est riche en hydrocarbures, en bois et en minerais. Il était, il y a quelques décennies, un exportateur de riz important et affiche aujourd'hui un gros potentiel touristique.

«À bien des égards, il est en bonne position pour fournir des opportunités d'investissement énormes. Le fait qu'il y en ait eu si peu par le passé signifie que le potentiel en retour est très important», a estimé Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie.

Mais les experts soulignent aussi les difficultés -politiques et techniques- des changements à accomplir par le nouveau régime après cinquante ans de gestion militaire.

«Les changements politiques se passent très bien (...), mais la question économique reste très obscure», relève Thant Myint U, historien et auteur birman. «Le gouvernement essaye de mener beaucoup de réformes de grande ampleur, reste à savoir comment cela va s'organiser et renforcer le processus politique au lieu de l'affaiblir».

La société spécialisée dans l'analyse de risques Maplecroft a récemment estimé que la Birmanie offrait aux investisseurs étrangers le «pire système juridique» du monde.

Le pouvoir a annoncé au Forum économique mondial de Davos qu'il leur offrirait huit ans d'exemption fiscale. Mais il devra aussi professionnaliser une administration empreinte de culture militaire et considérée «incompétente», sans parler des tribunaux, inféodés au pouvoir politique.

La loi sur les investissements est en cours d'élaboration, et le système bancaire ne s'est pas relevé d'une crise majeure en 2003. L'économie est par ailleurs sous influence de multiples taux de change, celui du marché noir étant cent fois plus intéressant que l'officiel.

Le Fonds monétaire international (FMI), qui vient de conclure une mission en Birmanie, fait d'ailleurs de la réforme du régime de changes une «priorité».

Une opinion partagée par Joseph Stiglitz, qui souligne la nécessité non pas seulement de l'unifier, mais aussi d'abaisser un taux trop élevé «qui affecte négativement la compétitivité de l'économie».

Car en multipliant les réformes, la Birmanie s'ouvre au monde extérieur. Le président et ex-général Thein Sein, au pouvoir depuis la dissolution de la junte en mars dernier, fait tout pour convaincre l'Union européenne et les États-Unis de lever leurs sanctions.

Des mesures symboliques ont déjà été prises, qui pourraient être suivies d'autres, plus significatives, après les élections partielles du 1er avril auxquelles se présente la figure de proue de l'opposition, Aung San Suu Kyi.

Et avec la levée des sanctions viendront les investisseurs étrangers. «Nous devons nous assurer qu'ils sont responsables, qu'ils ne viennent pas ici à très court terme en repartant en courant avec leurs profits», souligne l'économiste Aung Tun Thet.

Dans ce processus d'intégration économique, la Birmanie devrait pouvoir compter sur l'expérience de ses voisins. La Chine et l'Inde ont su développer leurs infrastructures, le Vietnam a entamé il y a 25 ans sa transition vers l'économie de marché et Singapour dispose d'un des meilleurs systèmes bancaires du monde.

L'Association des nations d'Asie du Sud-Est (Asean), quant à elle, veut bâtir un marché unique, avec des accords tarifaires avec les puissances asiatiques. Un bloc régional sur laquelle la Birmanie, membre depuis 1997, peut s'appuyer, selon Ronald Findlay, de l'université Columbia de New York.

«Il est important de ne pas se laisser emporter par la dynamique, mais d'essayer d'anticiper (...), afin de soutenir cette dynamique plus longtemps sur une base saine, plutôt que d'aller très vite et de foncer dans le mur», résume le professeur d'économie.