La Corée du Nord a annoncé hier que les chefs d'État étrangers ne seraient pas les bienvenus aux funérailles de Kim Jong-il. Ce repli inquiète les observateurs, qui craignent que le «Royaume ermite» ne devienne encore plus opaque.

«Il nous faudra deux ou trois ans pour savoir qui tire réellement les ficelles», explique Marcus Noland, spécialiste de la Corée du Nord à l'Institut économique international Peterson à Washington. «Il est évident que Kim Jong-un n'a pas eu le temps pour s'imposer comme chef d'État. Son père Kim Jong-il avait eu 20 ans pour y arriver et était le dirigeant réel du pays depuis une dizaine d'années quand son père Kim Il-sung est mort en 1994. Kim Jong-un n'a eu que deux ans et est très jeune. On peut s'attendre à ce qu'il y ait une régence par comité. La Commission de défense nationale a été renforcée par la nomination des membres les plus influents de l'armée et du Parti. Ça rend la structure du pouvoir plus opaque et plus imprévisible, probablement plus instable.»

L'un des principaux problèmes est que l'Armée populaire coréenne n'est pas une force stabilisatrice comme l'est l'Armée populaire de libération en Chine, selon M. Noland. «Elle est très conservatrice et n'a pas accepté d'utiliser les enseignements de la Chine, comme l'ont fait les bureaucrates qui pilotent une relative libéralisation économique. En Chine, le Parti a réussi à convaincre l'armée à tirer profit de l'économie de marché. Ça crée des distorsions économiques, mais au moins l'armée chinoise tire son compte des changements. En Corée, l'armée se limite encore à défendre le pays contre les ennemis qu'elle identifie elle-même, les ennemis de toujours. Ce qui les intéresse, ce sont les bombes et les canons, pas les chiffres.»

Contrebande d'armes

Selon Scott Bruce, politologue à l'institut Nautilus, qui organise des conférences sur la paix et le désarmement dans les pays riverains du Pacifique, l'armée nord-coréenne s'est bâtie depuis deux décennies des réseaux internationaux de contrebande d'armes qui la rendent indépendante de l'État. «Ils sont vulnérables aux sanctions, même s'ils ont jusqu'à maintenant réussi à les contourner. Mais ils ne sont pas dépendants de la Chine et encore moins des entreprises sud-coréennes qui tentent de construire une infrastructure industrielle en Corée du Nord.»

Signe de l'opacité renouvelée, les médias ont fait leurs choux gras de méthodes dignes des soviétologues. Le quotidien sud-coréen Chosun Ilbo a relevé que le deuil national pour Kim Jong-il serait, à 13 jours, trois jours plus long que pour son père Kim Il-sung, dont c'est le 100e anniversaire de naissance en 2012. Le Chosun Ilbo note de plus que les deux autres fils de Kim Jong-il ne sont pas sur la liste du comité funéraire ni son demi-frère Kim Pyong-il, qui est depuis 20 ans «ambassadeur perpétuel» en Pologne. Plus intriguant, la tante et l'oncle de Kim Jong-un, qui sont considérés par les «pyongyangologues» comme ses protecteurs, n'arrivent qu'en 14e et 19e rang, respectivement. Kim Jong-un est au premier rang.

Un amateur de basket

Le portrait qui émerge d'entrevues faites par des médias suisses avec d'anciens camarades de classe de Kim Jong-un révèlent que le nouveau maître de la Corée du Nord est un amateur de basket. Il avait même aménagé dans son appartement une pièce consacrée à son sport favori et à la NBA, avec des photos de lui en compagnie de basketballeurs connus comme Kobe Bryant. Durant les années 90, le fils de Kim Jong-il a fréquenté pendant quelques années l'École internationale de Berne, en Suisse, où les cours se donnent en anglais et attirent les enfants de diplomates. Il avait pris le nom de Pak Chol et selon les entrevues, faisait montre d'un sens de l'humour et d'une rare vigueur sur le terrain de basket.