Déjà accusé d'évasion fiscale, l'artiste contestataire Ai Weiwei a annoncé vendredi faire également l'objet d'une enquête pour «pornographie» pour d'anciennes photos dénudées, confirmation qu'il est plus que jamais dans le collimateur des autorités chinoises.

«Hier ils ont emmené mon assistant au commissariat de police», a relaté à l'AFP le peintre, sculpteur et plasticien, devenu un symbole de ces esprits libres qui osent critiquer publiquement le système communiste et le parti unique au pouvoir en Chine.

«Ils lui ont demandé pourquoi il avait pris ces photos, ils lui ont clairement dit qu'une enquête me visait, pour pornographie», a-t-il poursuivi.

«Il s'agit de quelque chose de vraiment nouveau dont je n'avais pas entendu parler. Ils avaient proféré ces accusations durant ma détention, mais j'avais cru que c'était une blague», a ajouté l'artiste touche-à-tout, qui a été détenu en secret de début avril à fin juin.

Alors que des policiers dans une voiture aux vitres teintées stationnaient vendredi devant son domicile-atelier pékinois surveillé jour et nuit, le dissident qui s'exprimait par téléphone a jugé que ces nouvelles accusations étaient tout simplement «ridicules».

«La nudité n'est pas de la pornographie», a-t-il affirmé. «Notre nation est extrêmement corrompue, avec tant de sexe, mais ils estiment que des photos de nus sur l'internet relèvent de la pornographie».

Sur les clichés pris il y a moins de deux ans, l'artiste barbu est assis, dénudé, sur une chaise traditionnelle à dossier en bonnet de lettré, entouré de quatre femmes également complètement dévêtues. Les poses ne sont pas lascives.

Pour les défenseurs des droits de l'homme, qui voient en Ai Weiwei un porte-voix de notoriété internationale, il ne fait pas de doute que les autorités font feu de tout bois pour l'isoler et lui imposer le silence.

Il avait été libéré le 22 juin après quelque 80 jours de détention et s'était vu interdire de quitter Pékin, après avoir soi-disant confessé une «évasion fiscale» massive.

Mais celui dont les oeuvres sont exposées dans les grandes capitales occidentales et dont l'arrestation avait soulevé une vague d'indignation à travers le monde, a peu à peu repris ses critiques.

Dans un grand pied de nez aux autorités, il a bénéficié depuis le début du mois d'un vaste mouvement de solidarité d'internautes et de citoyens qui ont organisé une grande collecte pour l'aider à contester un redressement fiscal destiné selon lui à le «briser».

Grâce à cette mobilisation de 30 000 Chinois, il a pu verser la garantie nécessaire pour interjeter appel de ce redressement de 15 millions de yuans (2,4 millions de dollars).

Ce combat contre le fisc «montre au monde le système» en Chine, a-t-il assuré cette semaine.

Pékin est une capitale kafkaïenne, un «cauchemar permanent» qui broie les pauvres et aliène ses habitants, les privant de leurs droits fondamentaux, a-t-il par ailleurs soutenu récemment, apparemment sans craindre de s'attirer à nouveau les foudres du régime communiste.

C'est devenu chez lui une habitude de susciter la colère des autorités pour son engagement dans de nombreuses causes sensibles.

L'artiste polyvalent, qui a participé à la conception du célèbre Nid d'oiseau, le stade des Jeux olympiques de Pékin en 2008, avait notamment enquêté sur l'effondrement d'écoles lors du séisme de 2008 dans la province du Sichuan et sur un incendie qui avait fait des dizaines de victimes en novembre 2010 à Shanghai.

Photo fournie par Ai Weiwei