La Birmanie vit un dégel politique relatif. La leader de l'opposition, Aung San Suu Kyi, libérée l'an dernier après sept ans de résidence surveillée, a pu récemment voyager à l'intérieur du pays et recevoir des émissaires. À la mi-octobre, 200 prisonniers politiques ont été libérés. Et le gouvernement birman a récemment annoncé la suspension des travaux sur un barrage hydroélectrique controversé, financé par la Chine.

«Je crois que les deux côtés en sont venus à la conclusion qu'il fallait sortir de l'impasse», explique Erik Kuhonta, politologue spécialiste de la région à l'Université McGill. «Le président est un ancien militaire, mais il s'est entouré de civils qui veulent développer le pays et diversifier les alliances internationales. L'un de mes étudiants l'a constaté sur place récemment. Et Suu Kyi est plus circonspecte dans ses déclarations que lorsqu'elle a été libérée en 1995 et en 2002. Elle n'appelle plus à la démocratie immédiatement. Elle n'appelle pas à la levée des sanctions contre son pays, mais propose que leur efficacité soit évaluée.»

Après 30 ans de dictature militaire, la Birmanie a tenu en 1990 des élections que le parti de Mme Suu Kyi a remportées haut la main. Les militaires n'en ont pas reconnu les résultats et l'ont emprisonnée pour l'essentiel des deux dernières décennies. Elle a reçu le prix Nobel de la paix en 1991. La Constitution a été modifiée pour assurer la mainmise de l'armée sur le pays et l'an dernier, des élections ont eu lieu avec des observateurs nord-coréens.

«Je crois que les élections de l'an dernier, même si elles n'étaient pas justes, ont permis à l'opposition de laisser tomber leur exigence que les résultats de 1990 soient reconnus avant toute négociation avec les généraux, dit M. Kuhonta. Le président a rencontré Suu Kyi, ce qui est très impressionnant vu la haine qu'elle inspirait aux généraux jusqu'à récemment. Je crois que le dégel pourrait bien continuer, contrairement à d'autres fausses promesses du dernier quart de siècle. À moins qu'une révolte populaire ne donne aux militaires opposés à la réconciliation une excuse pour tasser les réformistes.»

La suspension des travaux sur le barrage hydroélectrique, dont l'électricité devait alimenter le sud-ouest de la Chine, est un indice important que les choses changent, selon M. Kuhonta. «Je crois que les généraux sont inquiets de constater l'arrogance grandissante de la Chine, par exemple dans les disputes frontalières maritimes avec le Viêtnam et les Philippines», ajoute Michael Green, un politologue de l'Université Georgetown à Washington qui a fait partie du Conseil national de sécurité de George W. Bush et suit de près le dossier. «Les Birmans sont les descendants des Mongols et sont particulièrement nerveux face aux Hans chinois.»

L'autre inconnue est la réaction des multiples groupes ethniques, qui composent la moitié de la population, selon M. Green. «Pour le moment, l'armée semble avoir vaincu ou coopté les rebelles des différents groupes ethniques. Mais c'est une poudrière.»