La célèbre opposante birmane Aung San Suu Kyi a annoncé lundi par vidéoconférence qu'elle allait effectuer le mois prochain sa première tournée politique depuis sa libération il y a six mois, dans un test grandeur nature de sa popularité dans le pays.

La lauréate du prix Nobel de la paix, libérée en novembre après sept ans de résidence surveillée, a indiqué qu'elle espérait effectuer cette tournée en juin mais n'a pas fourni de détails.

«Je ne peux pas vous dire les endroits où je vais aller. Nous essayons de mettre au point l'itinéraire», a-t-elle déclaré.

Mme Suu Kyi s'adressait à plus d'un millier d'universitaires et d'étudiants à l'Université de Hong Kong.

«On ne m'a donné aucune garantie concernant la sécurité», a-t-elle encore indiqué, précisant que c'était «le devoir du gouvernement» de protéger tout citoyen birman.

La récipiendaire du prix Nobel de la paix avait été libérée une semaine après des élections décriées en Occident, et auxquelles elle n'avait pas participé. Sa libération avait été décrite par les militaires comme sans restriction d'aucune sorte.

Depuis, d'importantes réformes institutionnelles ont été effectuées. La junte a été dissoute fin mars et ses pouvoirs transférés à un nouveau président civil, l'ex-général Thein Sein. Mais les militaires ont conservé le contrôle des nouvelles institutions.

L'opposante a connu par le passé des tournées particulièrement difficiles.

En 2003, son équipe avait été agressée dans une embuscade semble-t-il orchestrée par la junte, alors effrayée par l'immense popularité de celle qui avait remporté haut la main les élections de 1990 sans jamais être autorisée à exercer le pouvoir.

Elle était alors considérée comme la plus grande menace contre le régime militaire. Le pouvoir avait fait état de quatre morts, mais la Ligue nationale pour la démocratie (LND, aujourd'hui dissoute) de la dissidente avait évoqué une centaine de victimes.

À l'issue de l'incident, Suu Kyi avait été arrêtée avec plusieurs membres de son parti. Elle avait été placée peu après en résidence surveillée, jusqu'à sa libération en novembre dernier.

Mais la réalité de sa popularité actuelle est plus complexe à évaluer, même si la «Dame» de Rangoun avait été acclamée par quelques milliers de personnes en liesse devant les grilles de son domicile, le jour de sa libération.

La pasionaria de la démocratie birmane, érigée en symbole de la liberté en Occident, a en effet choisi de boycotter les dernières élections, pour dénoncer les lois électorales. Son parti a été immédiatement dissous.

Une partie de la LND a fait sécession et conquis quelques sièges sous la bannière de la Force démocratique nationale (NDF).

Et plusieurs experts et membres de l'opposition, en Birmanie comme à l'étranger, ont dénoncé une absence de vision et une stratégie suicidaire, qui l'exclut de facto de tout processus politique.

Lors de sa vidéoconférence, Mme Suu Kyi a également appelé à l'ouverture politique en Chine, alors que Pékin a lancé en février une répression musclée contre ses dissidents, arrêtant des avocats et des militants, y compris l'artiste de premier plan Ai Weiwei.

«La Chine est un grand pays, le peuple chinois est un grand peuple», a déclaré Mme Suu Kyi. «Vous pouvez vous permettre d'être audacieux, vous pouvez vous permettre de laisser une place à toutes sortes d'opinions», a-t-elle déclaré à l'adresse de la direction chinoise.

La dissidente birmane a jugé que la résistance au changement n'était «pas surprenante», mais a relevé que des changements étaient à l'oeuvre dans le monde entier, y compris les révoltes qui ont balayé le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord et abouti au renversement de certains régimes autoritaires.

Mme Suu Kyi, qui s'est dite gênée par l'image d'emblème de la démocratie qui lui est accolée, a exhorté le prix Nobel de la paix Liu Xiaobo emprisonné en Chine et les autres militants politiques arrêtés «à garder confiance» en eux-mêmes.

Interrogée sur la mort d'Oussama ben Laden, abattu au cours d'un raid américain au Pakistan le 2 mai dernier, Mme Suu Kyi, adepte de longue date de la lutte par la non-violence, a déclaré: «Cela ne fait que montrer que la violence débouche sur la violence».