Le dissident Cu Huy Ha Vu, fils d'un compagnon de route du fondateur du parti communiste vietnamien Ho Chi Minh, a été condamné lundi à Hanoï à sept années de prison pour « propagande contre l'État » à l'issue d'un procès expéditif. Cu Huy Ha Vu, 53 ans, docteur en droit formé en France, risquait jusqu'à 12 ans de prison pour des propos, dans les médias étrangers et sur l'internet, appelant au multipartisme.

« Le comportement de Cu Huy Ha Vu est dommageable pour la société. Ses écrits et interviews ont terni directement ou indirectement le Parti communiste du Vietnam » (PCV), a déclaré Nguyen Huu Chinh, président de la cour, en rendant son jugement après un procès d'une demi-journée.

Vu était notamment accusé d'avoir « diffamé l'administration » et calomnié le PCV au pouvoir en jugeant qu'il ne servait que les intérêts d'un « petit groupe ».

Juriste, travaillant avec son épouse avocate, il est l'un des fils de Cu Huy Can, poète reconnu, membre du premier gouvernement révolutionnaire provisoire mis en place en 1945 par Ho Chi Minh, le fondateur du Parti communiste vietnamien (PCV) et du Vietnam moderne.

Les oeuvres de Can sont toujours étudiées dans les écoles du pays. Mais la cour a jugé Vu indigne de son héritage familial.

« Il a défendu des opinions erronées sur le système multipartite. Son comportement a exprimé le rejet des réussites de la Nation sous la direction » du Parti, a poursuivi le magistrat.

Le dissident avait été arrêté en novembre à Ho Chi Minh-Ville (sud) au moment où les autorités renforçaient la répression des opposants avant le congrès quinquennal du PCV de janvier dernier.

Il était sorti de l'anonymat en portant plainte, en 2009, contre le Premier ministre, première action légale entreprise selon lui contre un chef du gouvernement vietnamien.

Il dénonçait l'approbation par le gouvernement de Nguyen Tan Dung d'un projet d'exploitation de bauxite très controversé dans les Hauts-Plateaux du centre du pays. Ce projet avait mobilisé contre lui des intellectuels, d'ex-hauts responsables et des personnalités telles que le général Vo Nguyen Giap, vainqueur des Français en 1954 à Dien Bien Phu.

La requête de Vu avait été rejetée par la justice, qui n'y avait vu aucune « base légale ». Le dissident avait ensuite porté le dossier devant la Cour suprême qui l'avait cette fois complètement ignoré, selon Human Rights Watch (HRW).

Selon HRW, Vu a en outre en octobre, juste avant son arrestation, déposé une autre plainte visant Dung, contre un décret qui interdit les recours collectifs en justice.

Seul un nombre restreint de diplomates et de journalistes, dont un de l'AFP, ont été autorisés à assister aux débats sur un écran de télévision installé dans une salle adjacente.

Des dizaines de policiers en civil ou en uniforme avaient créé un cordon de sécurité devant la salle d'audience, empêchant quelques femmes d'y apporter un bouquet de fleurs et filmant la foule amassée devant la cour.

Un car de policiers antiémeutes et un camion de pompiers étaient garés devant le bâtiment. Au moins trois personnes ont été interpellées.

Le dossier a suscité « un mouvement sans précédent de soutien populaire » à l'accusé, en majorité sur l'internet, et venant autant de catholiques que d'universitaires, a relevé Phil Robertson, directeur adjoint pour l'Asie d'HRW.

« Maintenant, vous voyez ce que sont les droits de l'Homme au Vietnam », a pesté un vieux monsieur en bicyclette tandis que la police dispersait les badauds dans la matinée.

« C'est un cas spécial (...) parce qu'il a osé attaquer le Premier ministre », a estimé de son côté une universitaire, en se classant parmi les partisans d'un accusé « héroïque ».