Seule puissance à ne pas avoir condamné la Corée du Nord après ses tirs d'obus contre le Sud, la Chine se retrouve très isolée mais craint de mettre en péril sa propre stabilité si elle exerçait de fortes pressions sur Pyongyang, comme l'y poussent Washington et Tokyo.

Les analystes soulignent aussi que le dernier coup d'éclat nord-coréen confirme le peu d'influence que Pékin exerce finalement sur son imprévisible et difficile voisin.

Alors que les tirs mortels de dizaines d'obus de Corée du Nord contre l'île sud-coréenne de Yeonpyeong ont provoqué dans le monde un concert de condamnations, Pékin s'est borné à exprimer sa «préoccupation» et à appeler «les parties à la retenue».

Mais, mercredi, le président américain Barack Obama comme le premier ministre japonais Naoto Kan demandaient à la Chine de faire pression sur la Corée du Nord, dont elle est l'un des rares soutiens, et de la contenir.

«Je ne peux pas imaginer que le gouvernement chinois sanctionne ce type d'activité» militaire», a dit à l'AFP Robert Shaw (James Martin Center - Californie). «Cela ne serait pas conforme à l'objectif de la Chine dans la région, qui est tout simplement la stabilité».

Pour les analystes, l'obsession de la stabilité à sa frontière nord-est, où elle ne souhaite ni un afflux de réfugiés ni une concentration de soldats américains en cas de réunification si le régime nord-coréen s'écroulait, explique le dilemme croissant de la Chine alors que la Corée du Nord multiplie les provocations.

La Chine, en maintenant ce pays sous perfusion, dispose de l'arme économique. Mais, pour Brian Bridges (Lingnan University - Hong Kong), «le dilemme pour Pékin est le suivant: si vous appliquez des sanctions économiques, cela ne va-t-il pas provoquer un résultat encore moins souhaitable, qui est l'effondrement de la Corée du Nord»?

«C'est le problème auquel la Chine est confrontée en permanence», dit-il, et après le bombardement de mardi, «les Chinois ne savent que faire».

«Il est probable qu'en public ils vont continuer de ne pas accuser la Corée du Nord. Mais en coulisses, je suis certain qu'ils déploient une activité diplomatique intense (...) et essaient de persuader (Pyongyang) de ne plus rien faire».

La réaction très isolée de Pékin après ce grave incident rappelle fidèlement celle qui avait suivi le torpillage en mars de la corvette sud-coréenne Cheonan (46 marins tués), dont Séoul avait accusé Pyongyang.

Pékin s'était abstenu de condamner la Corée du Nord et avait annoncé vouloir mener sa «propre enquête» avant de se prononcer. Les résultats n'ont jamais été publiés.

«Les gens du ministère des Affaires étrangères reprennent les déclarations» de mars «et font probablement du copier-coller», ironise Daniel Pinkston (International Crisis Group - Séoul).

La tiédeur de la réaction chinoise ne fait ni les affaires de la Corée du Sud et du Japon, où l'émotion a été très vive, ni des États-Unis, qui auront l'occasion de redemander au président Hu Jintao, à Washington en janvier, d'être plus ferme avec Pyongyang.

«Il est probable que la Chine va dire, en privé, aux Nord-Coréens d'aller vers une désescalade», écrit l'Eurasia Group (États-Unis), «mais les performances de la Chine en matière de pressions sur la Corée du Nord sont très mauvaises, en fait».

En effet, en quatre ans, la Corée du Nord a procédé à deux essais nucléaires (2006, 2009), claqué la porte des négociations sur son programme nucléaire hébergées par la Chine (avril 2009), coulé une corvette sud-coréenne (mars 2010) et bombardé une île sud-coréenne.

«Il y a une inclination, en particulier aux États-Unis et en Occident, à surestimer l'influence directe de la Chine sur la Corée du Nord», conclut Robert Shaw.