Une cour d'appel thaïlandaise a accepté vendredi la requête des États-Unis d'extrader le célèbre trafiquant d'armes russe Viktor Bout, surnommé le «marchand de mort», provoquant une vive réaction de Moscou qui a jugé la décision «illégitime et politique».

Viktor Bout, ancien officier de l'armée de l'air soviétique qui aurait inspiré le personnage incarné par Nicolas Cage dans le film Seigneur de guerre, est détenu depuis mars 2008 à Bangkok, mais la demande d'extradition avait été rejetée par un tribunal en première instance l'an passé.

«La cour a décidé de le maintenir en détention pour qu'il soit extradé aux États-Unis», a déclaré le juge Jitakorn Patanasiri, ajoutant que la procédure devait prendre moins de trois mois.

«Le dossier n'est pas politique, il est criminel», a ajouté le magistrat.

Parlant six langues, connu sous au moins sept alias différents, Bout risque la prison à vie aux États-Unis s'il est jugé coupable de terrorisme, notamment de complot visant à fournir des armes à une organisation terroriste, complot visant à tuer des officiers américains et complot pour acquérir des missiles anti-aériens.

Agé de 43 ans, il avait été arrêté dans un hôtel de Bangkok après avoir rencontré des agents américains qui s'étaient fait passer pour des responsables de la guérilla colombienne des Farc en quête d'armes.

Un tribunal avait refusé l'an passé de l'extrader, arguant que la Thaïlande ne considère pas les Farc comme une organisation terroriste. Une décision alors saluée par Moscou.

Mais les États-Unis n'avaient cessé, depuis, de faire pression sur son allié asiatique pour obtenir l'extradition de celui qu'ils décrivent comme «l'un des trafiquants d'armes les plus prolifiques du monde».

Le département d'État avait ainsi rappelé jeudi l'importance du dossier à l'ambassadeur de Thaïlande aux États-Unis. «Nous estimons avoir présenté suffisamment de preuves significatives pour justifier cette extradition», avait indiqué son porte-parole Philip Crowley.

Washington a salué vendredi l'annonce de l'extradition. Les États-Unis «apprécient beaucoup» la décision de la justice thaïlandaise et sont «très satisfaits», a déclaré le conseiller du président Barack Obama pour l'antiterrorisme, John Brennan.

Alla Bout, épouse de l'accusé, a déclaré qu'il s'agissait d'une décision «politique» prise «sous la pression des États-Unis», selon l'agence de presse russe Interfax.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a fustigé «une décision illégitime et politique». «Selon les informations dont nous disposons, cette décision a été prise sous une forte pression de l'étranger», a déclaré M. Lavrov, cité par les agences russes, dans une accusation voilée visant les États-Unis.

«Nous continuons de faire tout le nécessaire pour qu'il rentre au pays», a-t-il souligné.

Dans la soirée, le ministère russe a annoncé avoir convoqué l'ambassadeur de Thaïlande, Chalermpol Thanchitt. La partie russe lui a exprimé «sa profonde déception et son incompréhension à propos du verdict politiquement motivé de la cour d'appel thaïlandaise», selon un communiqué.

La fille du trafiquant, qui assistait à l'audience, a fondu en larmes. M. Bout, vêtu du pyjama rouge des détenus, a quitté la salle d'audience, poignets et chevilles entravés, sans s'adresser à la presse.

La justice américaine l'accuse d'avoir utilisé une flotte d'avions cargos pour transporter armes et équipements en Afrique, en Amérique du Sud et au Moyen-Orient, affirmant qu'il a ainsi alimenté des conflits en Afghanistan, en Angola, en République démocratique du Congo, au Rwanda et au Soudan.

Les États-Unis l'ont aussi lié à l'ex-président du Liberia Charles Taylor, actuellement jugé à La Haye pour son rôle dans la guerre civile en Sierra Leone entre 1991 et 2001, qui a fait 120 000 morts.

Bout, détenu sous haute sécurité dans une prison de la banlieue de Bangkok, rejette ces accusations.