L'état d'urgence, imposé en avril en Thaïlande pendant les manifestations des «chemises rouges» antigouvernementales, a été prolongé mardi à Bangkok et dans une vingtaine de provinces, un mois et demi après une crise politique qui a fait 90 morts et 1 900 blessés.

Malgré les appels en faveur de sa levée et à moins de trois semaines d'une législative partielle, le gouvernement a suivi l'appel des forces de sécurité. «Le gouvernement a adopté la levée de l'état d'urgence dans cinq provinces», a indiqué un porte-parole du gouvernement, Supachai Jaismut à l'AFP, mais la loi «reste en vigueur» dans les 19 autres provinces concernées, dont la capitale.

Un quart de la Thaïlande est donc, pour trois mois supplémentaires, soumis à un texte qui interdit les rassemblements de plus de cinq personnes et permet à la police et à l'armée de détenir un suspect pendant trente jours sans mandat de la justice.

Le premier ministre Abhisit Vejjajiva avait prévenu que Bangkok serait maintenue sous état d'urgence mais avait évoqué sa levée dans de «nombreuses provinces».

Mais lundi, le CRES, organe de coordination des opérations de maintien de l'ordre créé au moment des manifestations du printemps, a demandé qu'il soit maintenu dans les 24 provinces. Comme souvent, il a été largement entendu.

Un mois et demi après l'assaut militaire sur le camp retranché des «chemises rouges» à Bangkok, l'armée a évoqué le risque de «transports d'armes», sans autre précision.

Le pouvoir a aussi tenu compte de l'explosion survenue fin juin près du siège d'un parti de la coalition gouvernementale. Un blessé, soupçonné d'être impliqué, est dans un état critique. Quatre personnes ont été arrêtées.

Début juillet, le chef par intérim de la police, le général Pateep Tanprasert, avait par ailleurs affirmé qu'Abhisit et son vice-premier ministre Suthep Thaugsuban étaient des cibles potentielles d'attentats.

«Des rapports des services de renseignement le montrent de temps en temps», avait confirmé Abhisit, assurant qu'il n'était «pas inquiet».

La crise du printemps (14 mars-19 mai), la plus grave en Thaïlande depuis 1992, a mis au jour des blessures à vif entre élites de Bangkok gravitant autour du palais royal, et masses rurales du nord et du nord-est du pays qui s'estiment exclues du pouvoir politique et économique.

Les «rouges» exigent des élections, rappelant qu'Abhisit est arrivé au pouvoir fin 2008 sans passer par les urnes, à la faveur de décisions de justice favorables et d'un renversement d'alliance parlementaire.

«Le gouvernement utilise (l'état d'urgence) comme un outil pour éradiquer ses rivaux politiques et faire taire les médias», a affirmé Pormpong Nopparit, porte-parole du parti Puea Thai, premier parti de l'opposition, pro-rouge.

Une analyse assez proche de celle de l'organisation de prévention des conflits International Crisis group (ICG), basée à Bruxelles, qui a demandé lundi la levée de l'état d'urgence. «Comme les +chemises rouges+ n'ont aucun espace d'expression ouvert et pacifique à cause de lois draconiennes, leurs frustrations légitimes (...) peuvent déboucher sur des actions violentes et illégales», estime l'ICG.

Bangkok connaîtra donc une élection législative partielle le 25 juillet sous état d'urgence. Kokaew Pikulthong, un des leaders des «rouges», en détention provisoire pour «terrorisme», sera opposé au vice-ministre des Affaires étrangères Panich Vikitsreth, candidat du Parti démocrate d'Abhisit.

Les élections nationales, elles, n'auront pas lieu avant 2011.