La police a conseillé à Abdullah de ne pas sortir de chez lui lundi pour le premier anniversaire des sanglantes émeutes interethniques à Urumqi, capitale de la région du Xinjiang, dans le nord-ouest de la Chine, où la peur et les divisions restent très présentes.

«Il nous ont dit qu'on ne peut pas sortir le 5 juillet et ils sont aussi venus jeudi pour récupérer tous nos grands couteaux», explique cet homme de 46 ans en buvant le thé dans son restaurant du quartier ouïghour.

Le 5 juillet 2009, Urumqi avait été ensanglantée par des violences nourries par le ressentiment d'une partie de la minorité ouïghoure, musulmane et de langue turque, envers la domination chinoise représentée par les Han.

Les jours suivants, des groupes de Han, armés de couteaux et de barres de fer, étaient descendus dans les rues pour se venger.

Officiellement, près de 200 personnes ont été tuées et 1700 blessées, beaucoup plus selon la dissidence ouïghoure en exil.

Les autorités chinoises insistent sur le fait que ces violences ont été le fait de terroristes, de séparatistes et d'extrémistes religieux.

Désormais, les Ouïghours affirment vivre sous la crainte des arrestations, accusés de fomenter des troubles.

Un homme d'affaires ouïghour, sous couvert de l'anonymat, affirme que son frère âgé de 20 ans a été condamné à neuf ans de prison pour avoir lancé une pierre sur une voiture lors des émeutes.

«C'est incroyablement sévère, et comme vous pouvez l'imaginer, c'est très dur pour ma famille», dit-il.

Beaucoup refusent d'être interviewés, de peur des représailles.

Les autorités se sont préparées, avec des renforts de police et la mise en place de 40 000 caméras de vidéo-surveillance dans la ville de plus de deux millions d'habitants.

Abdullah montre les barrières érigées par les autorités dans la rue où il vit pour empêcher les personnes extérieures d'entrer.

«Elles vont être fermées le jour de l'anniversaire», dit-il.

Cependant, ce week-end, les restaurants et magasins étaient ouverts et, vendredi, les mosquées étaient pleines pour la prière dans le quartier ouïghour. Dans l'une d'elles, les fidèles priaient sous une large banderole appelant à s'opposer au séparatisme et à «soutenir l'unité de la Mère patrie», sous la surveillance de la police anti-émeute.

Beaucoup de Hans expliquent que la ville a retrouvé une vie normale et que la présence policière permettra d'éviter de nouvelles violences. Mais certains se disent prêts au pire.

«On est préparé psychologiquement maintenant, s'il se passe quelque chose, je sais comment aller à un endroit sûr», dit Wang, un Han qui possède un petit commerce de boissons près du centre.

En avril, Pékin a placé à la tête de la région un secrétaire général du Parti considéré comme moins dur et promis d'accélérer le développement économique «afin que les groupes ethniques puissent être plus riches et plus heureux».

Abdullah reste prudent.

«Ils (les dirigeants) semblent toujours mieux au début, mais peu à peu, après six mois ou un an, cela s'empire», dit-il.

Il espère pouvoir obtenir un passeport pour son fils -- ce qui est difficile pour les Ouïghours, affirme-t-il -- afin que ce dernier puisse aller à l'étranger, dans un pays où «les salaires sont plus élevés et la situation des droits de l'Homme meilleure».

Vendredi, Amnesty International a appelé à une enquête indépendante sur les émeutes, Washington exhortant pour sa part la Chine à faire preuve de transparence et à respecter les droits des habitants du Xinjiang.