L'Inde était scandalisée lundi par le bilan peu glorieux du célèbre championnat de cricket annuel suivi par des millions de passionnés: son puissant président vient d'être suspendu et l'un des ministres les plus en vue a démissionné après des soupçons de corruption.

L'Indian Premier League (IPL) est au cricket ce que la Ligue des Champions est au foot: un tournoi aux énormes enjeux financiers et retransmis en direct par tous les médias. Las, le sport s'est fait voler la vedette par une saga qui a embarrassé jusqu'au parti du Congrès (au pouvoir) de Sonia Gandhi.

Le championnat, qui pèse 4,3 milliards de dollars, suscite un véritable engouement en Inde où ce sport hérité de la colonisation britannique est extrêmement populaire, de l'homme d'affaires au chauffeur de taxi.

Les meilleurs joueurs mondiaux y prennent part dans les huit équipes engagées dont les propriétaires sont des stars de Bollywood, comme l'acteur Shah Rukh Khan, et des industriels multi-millionnaires.

Après le coup de sifflet final dimanche de la troisième édition de l'IPL qui se déroulait aux quatre coins de l'Inde depuis le 12 mars, le résultat qu'affichaient les quotidiens n'avait rien de sportif: les gros titres annonçaient la suspension avec effet immédiat de son flamboyant président.

Soupçonné d'avoir touché des pots-de-vin et d'évasion fiscale, Lalit Modi, 46 ans, a été relevé de ses fonctions par les plus hautes autorités indiennes du cricket qui lui ont donné deux semaines pour prouver son innocence.

Arroseur arrosé, le président de l'IPL vient de tomber après avoir lui-même révélé sur le site de micro-blogs Twitter des détails troublants ayant abouti la semaine dernière à la démission du secrétaire d'État indien aux Affaires étrangères, Shashi Tharoor.

Selon ses révélations, la petite amie de M. Tharoor, ancien secrétaire général adjoint des Nations unies âgé de 54 ans, aurait gratuitement reçu une participation de 15 millions de dollars dans une nouvelle équipe du championnat de cricket, basée dans l'État du Kerala (sud), pour l'édition 2011.

Un «don» supposé servir les intérêts de l'homme politique, élu local du Kerala depuis les dernières élections générales en 2008.

Les accusations de corruption ont fleuri dans les rangs de l'opposition et après qu'elle eut menacé de perturber les débats sur le budget au Parlement, le parti du Congrès a fini par juger inévitable une démission de M. Tharoor, par ailleurs écrivain à succès traduit dans de nombreuses langues.

C'est une enquête fiscale menée par le gouvernement après le retrait de M. Tharoor qui a révélé des abus au plus haut sommet du championnat.

Selon les médias, il s'agit de la pire crise que traverse le cricket depuis un scandale de match truqué il y a dix ans, qui avait conduit à la création d'une unité anti-corruption au sein du Conseil international du cricket.

Avant même le début du tournoi, la composition des équipes avait donné lieu en janvier à une polémique rejoignant la sphère diplomatique: aucun Pakistanais n'avait été recruté dans le «marché aux joueurs», alors que l'équipe nationale du Pakistan avait dominé un précédent tournoi prestigieux.

Les propriétaires des clubs avaient expliqué ne pas être certains que les Pakistanais obtiennent leurs visas en raison des tensions traditionnelles entre les deux pays voisins et rivaux.

Quant à la finale dimanche, c'est l'équipe de Madras (sud) qui s'est imposée face à celle de Bombay, battue à domicile devant 50 000 personnes fidèles au sport.