La stricte politique de l'enfant unique en Chine, qui a permis de contenir une croissance démographique potentiellement explosive, au prix parfois d'avortements forcés, de stérilisations et d'infanticides, pourrait être remise en cause. Et ce, alors que la Chine devrait être confrontée d'ici 15 ans à une pénurie de naissances.

La physionomie de la famille chinoise a considérablement changé depuis les années 70, époque où la femme chinoise avait en moyenne cinq à six enfants. Aujourd'hui, la plupart des familles ont un seul enfant, sauf à de rares exceptions autorisées par la loi, comme chez les minorités ethniques ou les familles rurales dont le premier enfant est une fille.

Le gouvernement chinois reste officiellement attaché à cette politique initiée il y a 30 ans par le Parti communiste qui contrôlait tous les aspects de la vie privée. Il estime qu'elle a permis de sortir des millions de Chinois de la pauvreté en empêchant 400 millions de naissance supplémentaires.

Toutefois, le gouvernement a commandé, l'année dernière, des études sur les conséquences d'un changement de politique, tandis que la Commission nationale de la population et du planning familial réfléchit aux moyens de peaufiner cette politique, sans l'abroger, confie l'un de ses responsables.

Si le taux de fertilité se maintient à 1,5 enfant par femme, la population chinoise pourrait atteindre un pic de 1,4 milliard d'habitants en 2026, avant d'entamer un déclin, selon le Bureau américain du recensement. D'ici à la fin du siècle, la population chinoise pourrait alors être réduite de moitié, selon les prévisions de Wang Feng, démographe à l'université de Californie.

Pour ce pays de 1,3 milliard d'habitants, la probabilité d'un déficit de population est faible. En revanche, le déclin démographique pourrait donner lieu à un déséquilibre entre un nombre moindre de jeunes actifs face à une population vieillissante.

Wang Feng estime que, d'ici dix ans, la tranche d'âge 20-24 ans -aujourd'hui 124 millions de personnes-, pourrait être réduite de moitié, tandis que la part des plus de 60 ans devrait augmenter de 12% (167 millions de personnes) à 17% de la population.

Un déséquilibre démographique susceptible de ralentir voire infléchir la croissance économique fulgurante actuelle du pays. L'augmentation des dépenses sociales et des salaires auront en effet un impact direct sur la compétitivité économique.

Le second effet pervers de la politique de l'enfant unique réside dans le ratio hommes-femmes à la naissance, estimé en 2009 à 119 garçons pour 100 filles. Avec l'apparition de l'échographie dans les années 90, l'IVG, pourtant illégale, s'est répandue parmi les familles chinoises qui préfèrent majoritairement avoir un garçon. Ce déséquilibre entre sexes pourrait, selon des experts, amener les Chinois à rencontrer des problèmes pour trouver une épouse et alimenter le trafic de femmes.

Tous les experts ne sont pas favorables à l'abrogation de la politique de l'enfant unique. Li Xiaoping, chercheur à l'Académie chinoise des sciences sociales, se réjouit du déclin futur de la population, qu'il considère comme une solution à la pénurie d'eau et de nourriture, ainsi qu'à la pollution.

La population ne serait peut-être plus disposée non plus à faire plus d'enfants. Selon une étude de l'Académie chinoise des sciences sociales menée sur 18 638 femmes du canton de Dafeng et de six autres cantons de la province de Jiangsu, 69% des femmes autorisées à avoir un second enfant ne le souhaiterait pas, pour des raisons principalement économiques.

C'est le cas de Shi Xiaomei et de son mari, qui ont un fils de neuf ans. Le salaire de femme de ménage de Shi Xiaomei et les revenus de leur petite salle de jeu de Mahjong suffisent à peine à payer les frais scolaires et les autres dépenses du ménage.

«Avec un seul, nous pouvons lui offrir mieux. Mais si vous essayez de diviser ce que nous avons en deux ou trois, ils finiront tous avec rien», explique cette habitante de Dafeng, canton rural prospère à 300km au nord de Shanghaï. Une idée que partagent beaucoup de familles du quartier.

«Le contrôle gouvernemental n'est plus nécessaire pour maintenir un taux de fertilité bas», estime ainsi le directeur de l'étude Zheng Zhenzhen, dans la revue Asian population studies. «Un assouplissement soigneusement planifié de la politique de contrôle des naissances en Chine ne mènera probablement pas à un baby-boom indésirable».

Xie Zhenming, de l'Association de la population chinoise, estime que des changements seront graduellement apportés dans les cinq prochaines années. Une idée partagée par Susan Greenhalgh, professeure d'anthropologie à l'université de Californie, qui pense que Pékin avancera en douceur, pour ne pas réveiller de mauvais souvenirs parmi la population. Elle estime que la politique de l'enfant unique «va être progressivement démantelée, petit à petit», jusqu'à ce qu'un jour «nous découvrion que voilà, ce n'est plus une politique de l'enfant unique».