Le premier ministre thaïlandais, provoqué par les manifestants qui réclament sa démission et ont fait intrusion mercredi dans la cour du parlement, a décrété l'état d'urgence à Bangkok et cinq provinces environnantes, promettant de ramener au plus vite le calme dans le pays.

Abhisit Vejjajiva a haussé le ton face aux «chemises rouges», favorables à l'ex-premier ministre en exil Thaksin Shinawatra, après plusieurs jours au cours desquels il avait répété vouloir résoudre la crise par la discussion.

«L'état d'urgence a été décrété à Bangkok et dans les provinces qui l'entourent lors d'une réunion extraordinaire du gouvernement», a-t-il déclaré en direct à la télévision.

«L'état d'urgence est un moyen légal pour le gouvernement de résoudre la situation (...), cesser la désinformation, poursuivre les leaders des manifestants et prévenir le sabotage de façon efficace», a ajouté le chef de la coalition parlementaire.

C'est la quatrième fois depuis 2008 que la Thaïlande, très instable politiquement, a recours à cette mesure, qui interdit tout rassemblement de plus de cinq personnes et permet aux forces de l'ordre de procéder à des arrestations sans mandat de la justice.

La mesure avait fait l'objet de multiples rumeurs chez les «rouges» avant même son annonce officielle. «Je joue ma vie avec ce gouvernement», a déclaré Jatuporn Prompan, l'un des cadres du mouvement, quelques minutes avant l'intervention du chef du gouvernement.

Un ministre a annoncé que les autorités allaient «disperser les manifestants» qui sont installés depuis samedi dans un quartier touristique et commerçant majeur de la capitale. Mardi soir, selon les dernières estimations de la police, les manifestants étaient aux alentours des 55 000, dont environ deux-tiers au coeur de ce quartier.

Les forces de l'ordre entendent aussi fermer la «Chaîne du Peuple», la télévision des «rouges», ainsi qu'«arrêter les responsables et fouiller leurs domiciles».

Cette mesure intervient alors que l'opposition se sentait de plus en plus forte et multipliait les actes provocateurs ces derniers jours.

Environ 5 000 «chemises rouges» ont fait irruption mercredi matin dans la cour du Parlement après avoir brisé une grille d'entrée avec un camion. Moins d'une heure plus tard, deux hélicoptères Blackhawk envoyés par le 11e régiment d'infanterie de l'armée, où le gouvernement est retranché, atterrissaient derrière le bâtiment.

En une quinzaine de minutes, plusieurs personnalités dont le vice-premier ministre Suthep Thaugsuban, le ministre auprès du premier ministre Satit Wonghnongtaey, et le porte-parole du gouvernement Panitan Wattanayagorn étaient évacués.

Quelques heures après seulement, Abhisit a estimé que depuis le début du mouvement mi-mars, «les rassemblements (étaient) devenus illégaux et anti-constitutionnels, ce qui a terni l'image de notre pays et entamé la confiance des investisseurs».

Les «rouges» accusent Abhisit, au pouvoir depuis décembre 2008, de servir les élites traditionnelles de Bangkok à leurs dépens et exigent son départ immédiat. Le chef du gouvernement a accepté de négocier des élections anticipées, mais pas avant la fin de l'année.

L'opposition réclame aussi le retour à l'ordre constitutionnel en vigueur avant le putsch de 2006 contre Thaksin. L'homme d'affaires vit en exil depuis 2008 pour échapper à une peine de prison pour malversations financières et est accusé par Abhisit d'instrumentaliser les «rouges» à son profit.