Sans défilé haut en couleur ni tapage publicitaire, la première Gay Pride de Chine se tient cette semaine à Shanghai, en toute discrétion, et sous l'impulsion de la communauté d'expatriés anglophones.

Dans un pays où l'homosexualité n'est plus taboue mais commence à peine à être tolérée, les organisateurs -- des étrangers installés en Chine-- n'ont pas voulu brusquer les autorités.«Shanghai Pride» se passera donc de défilé coloré, typique des manifestations de la fierté homosexuelle en Europe et aux États-Unis, et se contente de célébrer l'homosexualité dans des lieux privés, ce qui évite d'avoir à demander une autorisation officielle, autour d'événements en anglais.

Pour les premiers événements, le public était majoritairement expatrié.

«Même si on parle de (Shanghai Pride) depuis longtemps, les nouvelles publiées en chinois à ce propos ne sont que très récentes», explique Xing Zhao, un homosexuel qui compte assister à une grande soirée prévue samedi au Glamour bar, endroit «branché» sur la mythique promenade du Bund, essentiellement fréquenté par des Occidentaux.

Le site Internet de cette Gay pride à la chinoise n'a pas de version en chinois.

Organisée par Shanghai LGBT (Lesbian, Gay, Bisexual, Trans-gendered), association d'expatriés anglophones qui compte 1.000 membres, la Shanghai Pride s'articule autour de projections de films, d'ateliers, d'expositions artistiques ou ventes caritatives. Lancée dimanche dernier, elle se terminera le week-end prochain.

«Nous avons conscience que développer la compréhension et l'acceptation d'un mode de vie non traditionnels prend plus de temps que de construire des gratte-ciels. Nous espérons que ce festival travaillera positivement dans ce sens», a estimé dans un communiqué Hannah Miller, porte-parole de l'association.

Pourtant, la communauté gay chinoise n'est pas persuadée de voir la cause homosexuelle progresser rapidement en Chine. «Je ne pense pas que la Shanghai Pride change d'un seul coup la perception des gens à l'égard des homosexuels», estime Wang Jin

«Mais c'est toujours mieux qu'elle ait lieu que le contraire», estime cette lesbienne chinoise de 27 ans, qui a entendu parler de cette semaine spéciale, mais n'en connaît pas le déroulement et n'y prendra pas part.

«Ils ne viennent pas avec de mauvaises intentions, mais c'est une culture gay très occidentale et ce n'est pas suffisant pour inclure les Chinois, alors qu'il y a tellement d'homosexuels chinois dans une ville comme Shanghai», souligne Xing Zhao.

Ce trentenaire fréquente des thés dansants réservés aux hommes gays, pour seulement 5 yuans l'entrée (50 centimes d'euros) dont la clientèle est uniquement chinoise.

Samedi, le barbecue prévu en début d'après-midi coûtera 150 yuans (15 euros). Une somme non négligeable pour le public local.

L'argent récolté pendant la semaine sera versé à la Fondation Chi Heng de Hong Kong afin de financer son projet Orphelins du Sida en Chine.

Shanghai, avec sa vie nocturne trépidante et son cosmopolitisme, reste une ville très ouverte pour la communauté gay, en comparaison du reste de la Chine.

De nombreux bars ont capté une clientèle exclusivement homosexuelle, quand certaines villes côtières également ouvertes sur l'international n'en compte pas un, à l'instar de Qingdao (nord-est).

Le China Daily estime à 30 millions le nombre d'homosexuels en Chine, moins de 3% de la population.

Signe des temps qui changent alors que l'homosexualité a été décriminalisée en 1997 et n'est plus une «maladie mentale» depuis 2001, le quotidien faisait mercredi sa une sur le festival homosexuel.

Il citait l'un des organisateurs, Tiffany Lemay, une Américaine, qui se félicitait de la «grande participation» lors des deux premiers jours de la «Shanghai Pride».