Les charges retenues à l'encontre d'Aung San Suu Kyi ont été jugée recevables vendredi par le tribunal. L'opposante birmane risque cinq ans de prison pour avoir violé les règles de son assignation à résidence en recevant chez elle un visiteur américain clandestin. Elle plaide non coupable, selon son avocat.

La lauréate du prix Nobel de la paix a été maintenue en détention sans procès pendant plus de 13 de ces 19 dernières années, et a passé ces six dernières années en résidence surveillée chez elle à Rangoon.

A la fin de l'audience de vendredi, le président du tribunal, le juge Thaung Nyunt, a demandé à la défenseure des droits de l'Homme si elle plaidait coupable. «Je ne suis pas coupable parce que je n'ai violé aucune loi», a répondu Mme Suu Kyi, citée par son avocat, Nyan Win.

Les mêmes charges ont été jugées recevables contre son visiteur, l'américain John Yettaw.

Les avocats de Mme Suu Kyi ont affirmé qu'elle lui avait demandé de quitter les lieux, mais lui avait permis de rester deux jours lorsqu'il lui a expliqué qu'il était trop fatigué et malade pour retraverser le lac à la nage dans l'immédiat.

Les autorités birmanes ont fait retirer dans la nuit de jeudi à vendredi les dernières barrières qui servaient à bloquer la route d'accès à la maison de l'opposante, laissant penser qu'elle pourrait ne pas être autorisée à rentrer chez elle.

La junte militaire au pouvoir a accusé vendredi des forces anti-gouvernementales d'avoir orchestré la visite interdite du ressortissant américain afin d'embarrasser le gouvernement et d'aggraver ses relations avec l'Occident.

A l'heure où les Etats-Unis, le Japon et l'Union européenne réexaminent leur politique à l'égard de la Birmanie, «il est probable que cet incident ait été monté en épingle pour intensifier la pression internationale sur la Birmanie par les éléments anti-gouvernementaux de l'intérieur et de l'étranger qui ne souhaitent pas voir aboutir les changements positifs dans les politiques de ces pays envers la Birmanie», a déclaré le ministre birman des Affaires étrangères U Nyan Win, cité par «New Light of Myanmar». Ces propos ont été tenus, selon le quotidien birman, au cours d'un entretien avec son homologue japonais Hirofumi Nakasone lors d'un entretien téléphonique le 18 mai.

Jeudi, la junte birmane a décidé d'interdire à nouveau l'accès des diplomates et des journalistes au procès de la prix Nobel de la paix, qui se tient dans la prison d'Insein à Rangoon.

Aung San Suu Kyi aurait dû être libérée le 27 mai après six ans d'assignation à résidence. Ses partisans considèrent les nouvelles accusations à son encontre comme un prétexte pour continuer à la priver de liberté.

Jeudi, une vidéo tournée par John Yettaw dans la demeure d'Aung San Suu Kyi a été diffusée à l'audience, selon l'avocat de l'opposante. Les commentaires en voix off (apparemment ceux de l'auteur du film lui-même) étaient traduits en birman. L'Américain y affirmait qu'il avait demandé à la militante pour la démocratie de poser, mais qu'elle avait refusé et semblait nerveuse, et qu'il se sentait désolé à ce sujet.

Mercredi, John Yettaw a donné pour la première fois une motivation a son acte, suggérant qu'il avait eu la prémonition que quelqu'un allait essayer de tuer Aung San Suu Kyi, selon l'avocat.

John Yettaw, 53 ans, originaire de Falcon au Missouri, s'est intéressé à la lauréate du prix Nobel de la paix lors d'un séjour en Thaïlande l'an dernier, a expliqué sa famille. Sa femme, Betti Yettaw, a affirmé que son mari voulait lui parler dans le cadre de sa démarche de pardon et de résilience.

La junte est au pouvoir en Birmanie depuis 1962. Les dernières élections démocratiques remontent à 1990, mais les dirigeants birmans en ont refusé les résultats après le raz-de-marée obtenu par la Ligue nationale pour la démocratie (LND) d'Aung San Suu Kyi.