Les Koweïtiens élisent un nouveau Parlement samedi avec l'espoir de sortir d'une crise chronique mais des analystes et des candidats en doutent à moins d'une profonde refonte du système politique.

Le riche émirat pétrolier est plongé dans le chaos politique. Les trois dernières années ont vu cinq cabinets démissionner et deux assemblées dissoutes en raison de continuelles disputes entre le législatif et l'exécutif.

«Il ne semble pas que cela va cesser avec le nouveau scrutin. Le problème est inhérent au système politique (koweïtien) et il est là depuis cinq décennies», a estimé le politologue Anwar al-Rasheed.

Le Koweït se targue d'avoir été la première monarchie arabe du Golfe à opter pour le système parlementaire et à se doter dès 1962 d'une Constitution. Mais depuis le Parlement a été dissous ou suspendu six fois.

Certains hommes politiques croient en une campagne orchestrée contre la Constitution et le Parlement. «Certains milieux tentent avec force de mettre fin à l'ordre constitutionnel et d'enterrer la démocratie», a accusé durant un rassemblement électoral l'ancien député indépendant Adel al-Saraawi.

«Il y a une campagne féroce contre la Constitution (...) Certains n'y croient pas et poussent les gens à haïr la démocratie», a clamé un candidat libéral, Wasmi al-Wasmi.

Le système politique koweïtien est unique. Il est parfois décrit comme une demi-démocratie. Ce n'est pas un système multipartite, ce qui n'empêche pas les députés d'avoir un pouvoir de contrôle considérable sur le gouvernement.

Le Parlement n'a pas son mot à dire dans la formation du cabinet qui est traditionnellement dirigé par un membre de la famille régnante des Al-Sabah qui détient les postes importants: Défense, Intérieur et Pétrole.

Le gouvernement n'a pas à solliciter de vote confiance du Parlement et la plupart des ministres, qui ne sont pas élus, y siègent avec le droit de vote.

Les élus peuvent interroger les ministres individuellement et les congédier mais ne peuvent pas faire tomber le gouvernement dans son ensemble.

En dépit d'une interdiction des partis, une dizaine de groupes politiques allant des libéraux aux islamistes en passant par les nationalistes existent mais les candidats se présentent sur une base individuelle.

M. Rasheed, secrétaire général de l'Action koweïtienne, l'un de ces groupes, estime que la démocratie koweïtienne fait face à deux sortes de défis.

«Le Koweït est une petite démocratie entourée par un océan antidémocratique. Il existe des pressions externes sur le Koweït pour faire avorter sa démocratie et elles continuent», dit-il. «A l'intérieur, deux tendances s'affrontent: l'une veut un Etat constitutionnel et l'autre ne croit pas dans la Constitution et la démocratie».

Les luttes internes au sein de la famille Al-Sabah, évoquées par certains, sont considérés comme un autre facteur de la crise.

L'ancien député libéral Marzouk al-Ghanem a été interrogé il y a deux semaines par la police pour avoir déclaré que ces luttes sont la raison principale de l'instabilité politique.

Les Al-Sabah règnent depuis plus de 250 ans et leur autorité a été rarement remise en cause même si des voix commencent à s'élever pour demander plus de participation populaire aux affaires publiques.

Lors d'un symposium en mars, l'activiste politique indépendant Mohammad al-Jassem a attribué l'impasse au «refus de la famille Al-Sabah d'accepter un contrôle et une participation populaires au gouvernement». Il a proposé de transformer le Koweït en une véritable «monarchie constitutionnelle».