Saeed Khan a déjà enterré un de ses fils, tué dans les combats entre les talibans et l'armée dans le nord-ouest du Pakistan. Pour ne plus avoir à «creuser de tombes», il a poussé sa famille dans le premier bus pour Peshawar.

Réfugié dans la grande ville de la région, comme des milliers d'autres civils, ce petit commerçant de 50 ans ne peut supporter l'idée de perdre encore un enfant.

«Mon fils était un policier de Swat, il est mort en début d'année dans un attentat-suicide à Mingora», le chef-lieu de ce district devenu depuis deux ans un bastion des talibans, explique Saeed.

«Je l'ai enterré devant ma maison, je ne veux pas creuser de tombe pour ma fille ou mon autre fils», confie-t-il, en pleurs.

Depuis mardi, plus de 40.000 civils ont fui Mingora, selon les autorités provinciales, qui assurent préparer des abris pour un demi-million d'habitants de la vallée de Swat susceptibles de fuir dans les prochains jours.

Depuis dix jours, les militaires ont lancé une offensive contre les talibans dans les districts voisins de Buner et Lower Dir, après que ces derniers eurent profité d'un accord de cessez-le-feu signé mi-février pour gagner du terrain au-delà de Swat, à une centaine de kilomètres seulement au nord-ouest d'Islamabad.

Et depuis quelques jours, des combats sporadiques éclatent dans la vallée de Swat, dont les talibans avaient pris le contrôle il y a près de deux ans.

Depuis mardi, les télévisions pakistanaises montrent ces flots de déplacés, poussant, pour certains, chèvres et vaches pour fuir cette vallée au paysage paradisiaque, autrefois le site le plus touristique du Pakistan, dans la crainte d'une attaque imminente de l'armée.

«Je quitte la ville immédiatement avec ma femme, ma mère et mes quatre enfants», témoignait au téléphone mardi Ali Rehman, un chauffeur de taxi de Mingora. «Je ne sais pas où nous allons, ni ce que nous allons devenir, mais je dois protéger ma famille».

Au terminal des bus à Peshawar, la tentaculaire capitale de la province du nord-ouest pakistanais, des habitants de Swat, épuisés, manifestement nerveux, racontent leur calvaire en sortant des véhicules où s'entassent sacs, couvertures et ballots de vêtements.

Chancelante à sa sortie du bus, Zarina Begum, 40 ans, supplie qu'on lui vienne en aide. «Ma maison a été touchée par un tir de mortier et j'ai perdu la vue. S'il vous plaît, emmenez-moi à l'hôpital», adjure-t-elle.

«Ils (les talibans) ont tué mon mari, ils lui ont tranché la gorge après l'avoir accusé d'espionnage. J'ai fui Swat parce que je ne veux pas que mon fils soit tué de la même façon. Je ne veux pas recevoir un corps décapité», dit-elle.

Salman Mutjaba a perdu des membres de sa famille lors d'une attaque suicide près de Mingora et il ne compte pas remettre les pieds à Swat.

«J'ai vraiment peur d'y retourner. Dès que je vois des talibans, je trouve qu'ils ressemblent à des vampires», explique ce commerçant de 25 ans.

Et de lancer: «Je ne retournerai jamais à Swat. Cet endroit a perdu sa beauté».