La Ligue Awami de l'ancienne Premier ministre du Bangladesh, Cheikh Hasina Wajed, a affirmé lundi être en tête des élections législatives censées rétablir la démocratie après deux années d'état d'urgence imposé par un régime de transition soutenu par l'armée.

«D'après les premiers résultats, il semble que nous nous dirigeons vers l'obtention d'une majorité aux élections parlementaires», a affirmé le porte-parole de cette formation laïque de centre-gauche, Abdul Kalam Azad, priant toutefois ses partisans d'attendre les résultats complets dans la nuit.Au moins 70% des 81 millions d'électeurs avaient bravé le froid pour voter à ces premières législatives depuis 2001, un scrutin entouré d'une sécurité exceptionnelle avec le déploiement de 660.000 militaires, policiers et paramilitaires dans un pays de 144 millions d'âmes.

Mais, comme lors des élections précédentes, cette consultation s'est résumée à un duel entre deux femmes ex-Premiers ministres qui monopolisent depuis 20 ans la vie politique de ce pays musulman laïc et pauvre d'Asie du Sud, enclavé dans le nord-est de l'Inde.

Face à Mme Hasina - Premier ministre de 1996 à 2001 - sa grande rivale Khaleda Zia, à la tête du Parti nationaliste du Bangladesh (droite) et chef du gouvernement à deux reprises (1991-1996 et 2001-2006) assurait encore dans la journée qu'elle «gagnerait largement si les élections étaient régulières».

Sous les yeux de 200.000 obervateurs, dont 2.500 étrangers, le scrutin s'est déroulé pratiquement sans incident «dans une ambiance extrêmement pacifique et festive», selon la commission électorale. Un groupe d'observateurs de l'Union européenne a même qualifié cet exercice démocratique de «remarquable».

Le Bangladesh --l'ex-Pakistan oriental avant son indépendance en 1971-- espère ainsi mettre un terme à un cercle vicieux depuis près de 40 ans au cours desquels ont alterné coups d'Etat, violences politiques et plages démocratiques.

Mmes Zia et Hasina, deux sexagénaires qui se détestent, sont des héritières de dynasties politiques: Mme Zia est la veuve d'un président assassiné en 1981 par des militaires, Ziaur Rahman, et Mme Hasina est la fille de Cheikh Mujibur Rahman, tué en 1975, également par l'armée, alors qu'il était le premier président du nouveau Bangladesh.

Pour séduire les Bangladais, dont 40% vivent avec moins d'un dollar par jour, elles se sont engagées à juguler pêle-mêle les crises alimentaire et financière, la corruption ou la menace «terroriste» islamiste.

Mais ces deux Bégums sont poursuivies depuis 2007 pour pots-de-vin et détournements de fonds présumés. Le gouvernement intérimaire avait bien tenté de les envoyer en exil en avril 2007 avant de les emprisonner pendant un an. Il a dû les libérer sous caution cet été pour qu'elles participent à ces législatives, «les plus régulières de l'histoire du pays».

Car ce sont précisément des accusations de tricheries électorales qui avaient plongé le Bangladesh à partir d'octobre 2006 en plein chaos politique, se soldant par la mort de 35 personnes dans des manifestations.

Les forces armées --habituées à intervenir dans le champ politique du pouvoir civil-- étaient alors entrées en scène en persuadant le président de la République Iajuddin Ahmed d'imposer l'état d'urgence le 11 janvier 2007 et d'annuler des législatives prévues 10 jours plus tard.

Le gouvernement provisoire de technocrates désigné à l'époque aura mené en deux ans une grande purge anti-corruption en interrogeant 10.000 personnes et en emprisonnant 150 ex-ministres, hommes d'affaires et hauts fonctionnaires.

D'après l'organisation Transparency International, le Bangladesh reste l'un des pays les plus corrompus au monde. La communauté internationale l'a pourtant félicité pour avoir nettoyé des listes électorales 13 millions d'électeurs «fantômes».