Les forces de sécurité indiennes ont mis fin samedi à Bombay à plus de deux jours d'attaques menées par des extrémistes islamistes qui ont fait au moins 195 morts, dont 27 étrangers, alors que le Pakistan, montré du doigt, a appelé l'Inde à modérer ses réactions.

Les trois derniers islamistes encore retranchés dans le luxueux hôtel Taj Mahal ont été tués samedi matin, a affirmé la police, annonçant du même coup la fin des opérations.«Tous les terroristes ont été tués», a déclaré Hassan Gafoor, le chef de la police de Bombay, près de 60 heures après le déclenchement des attaques.

«Nous avions dit qu'il y avait trois terroristes... Et nous avons trois corps», a déclaré J.K. Dutt, chef de la Garde nationale indienne, en soulignant que ses hommes avançaient «chambre par chambre pour vérifier que la situation est sûre».

Le Taj Mahal, établissement prestigieux de la capitale économique indienne, était le dernier endroit où se réfugiaient encore des assaillants. La police avait annoncé vendredi soir la fin des opérations à l'Oberoi/Trident, l'autre palace occupé par les islamistes et les forces spéciales indiennes étaient intervenues vendredi dans un immeuble abritant un centre juif ultra-orthodoxe, également occupé par des hommes armés.

Trente-deux personnes, dont quatre étrangères, ont au total été tuées dans l'hôtel Trident/Oberoi, a annoncé samedi le propriétaire du complexe hôtelier.Le bilan des attaques de Bombay s'élève à 195 morts et 295 blessés, a précisé samedi un responsable du bureau de gestion des catastrophes à Bombay.Neuf assaillants ont été tués dans les opérations commando indiennes et un autre arrêté, et 15 membres des forces de sécurité ont péri.

Des sources au sein des services indiens de renseignements ont déclaré samedi à l'AFP que huit des assaillants s'étaient infiltrés dans la ville un mois plus tôt, menant «des missions de reconnaissance en prélude aux attaques» et se faisant passer pour des étudiants.

Les raids sur Bombay, lancés mercredi soir, ont surtout visé des étrangers, particulièrement des Américains et Britanniques, ainsi qu'un centre juif. Mais les extrémistes, puissamment armés, ont aussi frappé des cibles indiennes, tuant 50 personnes à la gare centrale de Bombay, et attaqué un hôpital.La mort d'au moins 27 étrangers - neuf Israéliens, cinq Américains, deux Français, deux Australiens, deux Canadiens, un Britannique, une Singapourienne, un Japonais, un Italien, une Thaïlandaise, un Allemand et un Mauricien - a été confirmée par leurs pays respectifs.

Ce chiffre pourrait toutefois évoluer, notamment dans le cas où plusieurs d'entre elles possèderaient une double nationalité.

Sur le terrain diplomatique, les tensions restaient vives entre l'Inde et son voisin et rival pakistanais, que New Delhi a ouvertement accusé d'être impliqué d'une manière ou d'une autre dans ces attaques très bien orchestrées, pour lesquelles la piste des terroristes d'Al-Qaeda est également évoquée.

Le Pakistan a fermement nié toute implication dans ces attaques qui ont été revendiquées par un mystérieux groupe islamiste, les Moujahidine du Deccan, du nom du plateau qui couvre le centre et le sud de l'Inde.Samedi, le président pakistanais, Asif Ali Zardari a appelé l'Inde à ne pas réagir de façon excessive et trop rapide aux attaques de Bombay.

«Quels que soient les responsables de cet acte primitif et brutal contre le peuple indien et l'Inde, ils cherchent à déclencher une réaction» de vengeance, a-t-il déclaré dans un entretien à la chaîne de télévision indienne CNN-IBN.«Nous devons nous placer au dessus d'eux et faire en sorte, nous, vous et la communauté mondiale, qu'il n'y ait pas de réaction excessive», a-t-il ajouté.

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a apporté de l'eau au moulin pakistanais en déclarant dans un journal allemand à paraître dimanche que «des accusations rapides et relevant quasiment du réflexe ne peuvent qu'aggraver la situation».

M. Zardari s'est également engagé à faire preuve de la plus grande sévérité «si quelque preuve désigne le moindre individu ou groupe» pakistanais.

Quelques heures auparavant à Islamabad, son ministre des Affaires étrangères, Shah Mehmood Qureshi, avait tenu des propos similaires.Dans la nuit, Islamabad avait ajouté aux tensions en annonçant qu'il n'allait envoyer en Inde qu'un simple représentant pour aider à l'enquête, et non plus le chef du renseignement (ISI) comme annoncé la veille.

À Bombay, le premier ministre indien Manmohan Singh a rencontré samedi les responsables de l'armée et des renseignements pour avoir «un compte-rendu détaillé des attaques» et voir quelles mesures pourraient être prises pour «empêcher que de telles attaques» se reproduisent.

Vendredi soir, M. Singh s'était entretenu par téléphone avec le président élu américain Barack Obama, qui lui a présenté ses condoléances, a déclaré samedi un conseiller de M. Obama.

Des otages libérés, de même que des policiers ou des soldats, ont raconté des scènes d'horreur. «Ce sont des gens impitoyables. Ils ouvraient le feu sur quiconque se trouvait face à eux», a raconté un commando de marine. Il y avait «du sang partout... des corps gisant çà et là».

Un assaillant, interrogé par une télévision, a affirmé que le groupe réclamait la fin des «persécutions» contre les musulmans d'Inde, une forte minorité de 150 millions de personnes, victimes de violences par le passé, dans ce pays de 1,2 milliard d'habitants, majoritairement hindous.

Selon l'agence PTI, citant des sources officielles, trois extrémistes, dont un Pakistanais, appartenant au Lashkar-e-Taiba ont été arrêtés à l'hôtel Taj Mahal. Ce groupe est connu pour avoir attaqué le Parlement indien en 2001, un attentat qui avait précipité l'Inde et le Pakistan au bord d'une nouvelle guerre.