Les forces indiennes continuaient vendredi à traquer les islamistes armés retranchés à Bombay, deux jours après les spectaculaires attaques, accompagnées de prises d'otages, qui ont fait plus de 130 morts et plongé dans le chaos la capitale économique de l'Inde.

Les commandos des forces spéciales luttaient toujours pour reprendre le contrôle de la situation, encore très confuse bien que la police ait annoncé la fin des opérations dans l'Oberoi/Trident, l'un des deux hôtels de luxe attaqué mercredi avec un autre palace, le prestigieux Taj Mahal.

On ignorait en fin de journée combien d'assaillants restaient en liberté et combien d'otages étaient encore retenus, après la libération de dizaines d'entre eux, notamment des étrangers.

Cinq otages ont été tués, selon un diplomate israélien, au Centre juif, autre cible des attaques contre lequel les forces spéciales ont donné l'assaut vendredi à l'aube. Ces otages ont été tués par les islamistes au cours de l'assaut, selon un responsable indien.

Des échanges de tirs nourris étaient entendus aux abords du Taj Mahal, où l'armée a lancé un assaut à la grenade pour déloger un ou plusieurs islamistes. La police a annoncé que des explosifs susceptibles de provoquer des «dégâts majeurs» avaient été découverts dans cet hôtel.

L'Inde a ouvertement accusé le Pakistan, son voisin et rival, d'être derrière ces attaques coordonnées, très bien orchestrées, qui ont frappé une dizaine de cible à travers Bombay, une ville de 13 millions d'habitants. Islamabad a fermement démenti.

Des responsables occidentaux avaient eux évoqué la piste du réseau terroriste Al-Qaeda.

Les raids, revendiqués au nom d'un groupe islamiste inconnu disant se battre pour la défense des musulmans d'Inde, ont visé en particulier des étrangers, plus spécifiquement des clients américains et britanniques des deux hôtels, symboles de la richesse de Bombay, ainsi que le Centre juif.

Mais les islamistes, armés de fusils automatiques et de grenades, visiblement très jeunes, ont aussi frappé des cibles indiennes, comme la gare centrale de Bombay où ils ont fait 50 morts.

Un hôpital accueillant des femmes et des enfants pauvres a également été attaqué.

Au moins 130 personnes ont été tuées, selon un bilan provisoire ne tenant pas compte des otages du Centre juif, et plus de 370 blessées dans ces attaques et les tirs qui ont suivi.

Huit étrangers ont été tués, selon la Sécurité intérieure indienne. La mort de sept personnes - deux Australiens, un Britannique, un Japonais, un Allemand, un Canadien et un Italien - avait auparavant été confirmée par les différents gouvernements.

Dans les hôtels Oberoi/Trident et Taj Mahal, les commandos indiens ont poursuivi vendredi leur minutieuse opération de ratissage, explorant une par une les centaines de chambres pour en déloger les derniers islamistes.

Neuf assaillants ont été tués au cours des opérations et un autre arrêté, et 15 hommes des forces de sécurité tués, a déclaré le vice-premier ministre de l'État du Maharashtra, R.R. Patil.

A l'Oberoi/Trident, où 93 otages avaient été libérés vendredi matin, la police a annoncé avoir découvert 24 cadavres, précisant que les opérations étaient terminées.

Aux abords du Centre juif, des centaines de personnes se sont rassemblées en fin de journée pour acclamer les soldats, croyant l'opération terminée.

Mais la police a averti que la fouille du bâtiment, «étage par étage», se poursuivait, pendant que la foule était appelée à quitter les lieux.

Des otages libérés, comme des policiers ou soldats, ont raconté les scènes d'horreur vécues à l'intérieur des hôtels, témoignant de la détermination des assaillants.

«Ce sont des gens impitoyables. Ils ouvraient le feu sur quiconque se trouvait face à eux», a raconté un commando de marine. Il y avait «du sang partout», «des corps gisant ça et là».

Ces attaques d'une ampleur inédite, qui ont frappé le coeur financier de la dixième puissance économique mondiale, ont été revendiquées au nom d'un groupe islamiste, les Moujahidine du Deccan, du nom du plateau qui couvre le centre et le sud de l'Inde.

L'un des assaillants de l'Oberoi/Trident, interrogé par une télévision, a affirmé que le groupe réclamait la fin des «persécutions» contre les musulmans d'Inde, une forte minorité de 150 millions de personnes, victimes de violences par le passé, dans ce pays de 1,2 milliard d'habitants, hindous en majorité.

Mais l'Inde a une nouvelle fois vu la main du Pakistan, souvent accusé par Delhi de soutenir des groupes islamistes auteurs d'attentats sur le sol indien.

«Selon des informations préliminaires, des éléments au Pakistan sont responsables», a déclaré vendredi le ministre indien des Affaires étrangères Pranab Mukherjee.

Islamabad, qui a rejeté ces accusations, a annoncé la prochaine visite en Inde du chef des services de renseignement pakistanais, le puissant Inter-Services Intelligence (ISI), le général Ahmed Shuja Pasha, afin d'aider à l'enquête.

Une démarche inédite alors que les deux pays, rivaux depuis leur fondation en 1947, accusent régulièrement les services de renseignement de l'autre de tentatives de déstabilisation.

Selon l'agence indienne PTI, citant des sources officielles, trois extrémistes, dont un Pakistanais, ont été arrêtés dans le Taj Mahal.

Ils appartiendraient, selon l'agence, au Lashkar-e-Taïba, un groupe islamiste basé au Pakistan, connu notamment pour avoir attaqué le Parlement indien en 2001, un attentat qui avait précipité l'Inde et le Pakistan au bord d'une nouvelle guerre.