(Royaume-Uni) Quelques jours avant Noël, Tony Chung, un jeune militant pro-démocratie hongkongais, a embarqué sur un vol pour Okinawa au Japon, avec pour tout bagage un sac à dos, pour ne pas éveiller de soupçons sur son projet de demander l’asile politique au Royaume-Uni.

Le jeune homme de 22 ans a été l’un des plus jeunes militants à être emprisonné à Hong Kong en vertu d’une loi radicale sur la sécurité nationale imposée par Pékin.

Libéré il y a six mois, il s’est retrouvé étroitement surveillé, notamment par la police qui l’a poussé à devenir un informateur.

« Non seulement ils contrôlaient complètement ma vie et s’y immisçaient, mais leurs actes affectaient ma sécurité personnelle et mettaient ma vie en danger », a déclaré le jeune homme à l’AFP dans un entretien depuis la Grande-Bretagne vendredi.

Avec en poche 40 000 dollars hongkongais (6786 dollars canadiens), il a quitté Hong Kong la semaine dernière en promettant aux autorités de revenir après de courtes vacances. Arrivé à Okinawa, il a acheté un billet pour Londres.  

Tony Chung a rejoint ainsi le nombre grandissant des militants pro-démocratie de Hong Kong ayant cherché refuge à l’étranger, alors même que les autorités de Hong Kong et Pékin les menacent de poursuites.

Dans une publication sur Facebook, il a raconté son périple après son arrivée à Londres mercredi – qui fait de lui un fugitif aux yeux des autorités hongkongaises.

Militant pour l’indépendance

Vendredi, un porte-parole de l’ambassade de Chine à Londres a exhorté la Grande-Bretagne à le « présenter devant la justice dès que possible et à le renvoyer à Hong Kong ».

Le jeune homme se dit confiant que Londres s’opposera à la tentative des autorités chinoises de le présenter comme un criminel. « Je pense que le gouvernement britannique ne sera pas d’accord avec la façon dont le gouvernement chinois a mis en œuvre la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong pour réprimer les Hongkongais ».

Encore lycéen, Tony Chung a fondé en 2016 l’association Student Localism, qui appelait à l’indépendance de Hong Kong. La séparation de Hong Kong de la Chine, une ligne rouge pour Pékin, était alors une position minoritaire dans l’ancienne colonie britannique.

Son association a été dissoute en 2020 après l’entrée en vigueur d’une loi sur la sécurité nationale en réponse aux manifestations pro-démocratie massives de 2019 à Hong Kong.

Tony Chung a été arrêté en juillet 2020 pour « sécession » en vertu de cette loi, puis libéré sous caution.

Il a à nouveau été interpellé trois mois plus tard devant le consulat américain de Hong Kong, où il a dit avoir tenté de demander l’asile politique.

« Pas le choix »

Il a ensuite plaidé coupable de sécession et blanchiment d’argent en liaison avec des dons versés à son association, et a été condamné à trois ans et demi de prison.  

En prison, il a vu les débuts d’un programme de « déradicalisation », à base de projections de films patriotiques, de conférences sur l’histoire de la Chine et de spectacles culturels.

Des responsables de la prison « nous ont sermonnés, disant, en s’apitoyant, que nous avions été exploités, achetés par les Américains pour perturber le développement de la Chine », a expliqué Tony Chung.

Après avoir accepté des limites strictes à sa liberté d’expression, de mouvement et d’emploi, il a bénéficié d’une libération anticipée en juin.

Mais les demandes de la police de sécurité nationale de Hong Kong, qui lui offrait entre 500 et 3000 dollars de Hong Kong (85 et 509 dollars canadiens) pour des informations sur son entourage, étaient une source de stress.  

« Ils ne m’ont jamais donné le choix, ils ont juste dit que cela était prévu », a-t-il déclaré.

« Je ne pouvais qu’accepter et leur laisser penser que je me conformais à leur idée d’une réhabilitation ».

« Menace très immédiate »

La police de Hong Kong, interrogée par l’AFP, a déclaré « collecter efficacement des renseignements […] par divers canaux, moyens et individus ».

Pour Tony Chung, la décision de partir est venue quand la police lui a proposé de l’emmener en voyage en Chine continentale.

« Je ne pouvais pas spéculer sur leur objectif. Ce que je peux dire, c’est que j’ai ressenti une menace très immédiate », a-t-il déclaré.  

La police a abandonné l’idée lorsqu’il s’y est opposé, mais Tony Chung a estimé qu’il lui serait difficile de refuser à l’avenir.

Sa fuite vers le Royaume-Uni lui a semblé « irréelle », jusqu’à l’atterrissage.  

Tony Chung dit souhaiter « continuer à contribuer » à Hong Kong, sans donner plus de détail sur ses projets.

« Je réfléchis depuis longtemps à la perspective d’être emprisonné ou forcé de quitter Hong Kong ».

« Mais comme j’ai réellement pris le chemin qui pourrait me séparer de Hong Kong pour toujours […], j’espère pouvoir un jour y revenir ».