(Hong Kong) « Les temps ont changé » : le Parti civique, l’une des principales formations prodémocratie de Hong Kong, a baissé le rideau fin décembre, au terme d’une procédure d’autodissolution qui a soulagé son co-fondateur d’un « fardeau » de plus en plus difficile à porter face aux pressions de Pékin.

Alan Leong n’a conservé que six épinglettes vertes et violettes, portant la date de création du parti, le 19 mars 2006, de ces années de combat, entre succès électoraux et poursuites judiciaires.

« Je n’ai jamais douté de la capacité du peuple de Hong Kong à gouverner Hong Kong, mais il y a des choses qui sont hors de notre contrôle », explique l’expérimenté politicien, âgé de 65 ans, dans une série d’entretiens avec l’AFP ces six derniers mois.

L’ancien dirigeant se sent aujourd’hui « soulagé » de pouvoir « enfin retirer le fardeau » de ses épaules, assure-t-il.

Le Parti civique, surnommé « le parti des avocats », car plusieurs de ses fondateurs travaillaient dans le secteur juridique, a voté en mai son autodissolution, faute de pouvoir se doter d’une direction après la répression subie par ses membres.

La « réalité politique », ainsi que l’absence de fonds et de morale, ont conduit à cette décision, estime Alan Leong, qui a vu ces derniers temps le siège du mouvement se vider de ses meubles et des haut-parleurs de campagne.

« Radicalisation »

Depuis la loi sur la sécurité nationale imposée en 2020 par la Chine, le mouvement a été décimé : emprisonnement de trois de ses membres, destitution de ses élus locaux, et chasse à l’homme contre un de ses anciens députés en exil…

Le Parti civique avait été créé pour promouvoir la démocratisation de Hong Kong, jugée compromise par Pékin, qui a pris les clés de la métropole à la suite de la rétrocession de 1997 par les Britanniques.

La promesse déçue d’élire les dirigeants au suffrage universel a été « le point de départ de la création du parti », se rappelle Albert Lai, un des cadres de la première heure, qui se souvient des aspirations à devenir « un parti qui gouverne ».

Le parti, un temps deuxième force d’opposition de Hong Kong, avait contribué, aux côtés de ses alliés radicaux de la Ligue des sociaux-démocrates, à déclencher en 2010 une élection partielle, présentée comme un référendum symbolique sur la démocratisation de la ville. Pékin avait condamné à l’époque une manœuvre « inconstitutionnelle ».

Ronny Tong, un des co-fondateurs qui a fait défection en 2015 pour créer son propre mouvement, a reconnu après coup la « radicalisation » du Parti civique à ce moment-là.

« C’était un acte de confrontation », a déclaré en juin cet actuel membre du gouvernement à un média propouvoir, concédant « regretter » avoir participé à la création du mouvement.

Poursuites

Cette année, la télévision d’État chinoise a qualifié le Parti civique d’« organisation de déstabilisation anti-Chine ».

Sept membres du Parti civique ont fait l’objet de poursuites judiciaires à la suite des protestations massives pro-démocratie de 2019, pour avoir organisé des levées de fonds pour les manifestants, et pour leur participation à une élection primaire officieuse destinée à sélectionner des candidats de l’opposition en vue des législatives — un crime contre la sécurité nationale aux yeux du gouvernement de Hong Kong.

Tous ses élus aux conseils de la ville ont aussi été déchus, en vertu de la doctrine des « patriotes » imposée par Pékin, visant à éliminer de la fonction publique toute voix discordante.

L’ancien député Dennis Kwok, qui fait partie de ceux qui ont perdu leur siège, et désormais vit à l’étranger, est recherché pour « collusion » par la police, qui a placé une récompense d’un million de dollars hongkongais (environ 169 000 $ CAN) sur sa tête.

Mais pour Alan Leong, l’histoire se compose de cycles, qui rendent le futur de la métropole incertain malgré la pression de plus en plus forte exercée par Pékin.

« Je suis sûr qu’un autre parti verra le jour », affirme-t-il.