La tension est montée encore d'un cran jeudi au Venezuela où le président socialiste Nicolas Maduro a menacé d'occuper les entreprises qui se joindront à la grève générale convoquée vendredi par l'opposition, déterminée à obtenir son départ anticipé.

Le président Maduro a d'autre part annoncé, à la veille de la grève générale, une augmentation de 40% du salaire minimum.

«Je vais signer une augmentation de 40% du revenu minimum légal des travailleurs», à environ 140 dollars par mois (salaire et bon d'alimentation), a déclaré le chef de l'Etat lors d'une cérémonie de remise de logements sociaux.

Importante en apparence, cette hausse reste toutefois infime par rapport à l'inflation galopante dans le pays.

Asphyxié par la chute des cours du brut, source de 96% de ses devises, le Venezuela vit l'une des pires crises économiques de son histoire, et son inflation, stimulée par les pénuries, est devenue totalement incontrôlable: elle devrait atteindre 475% cette année selon le FMI puis exploser à 1660% en 2017.

La veille, l'opposition réunie au sein de la coalition de la Table pour l'unité démocratique (MUD, centre droit) a mobilisé des centaines de milliers de personnes à travers le pays contre M. Maduro et a appelé à une grève générale vendredi.

En multipliant les initiatives, les antichavistes (du nom de l'ex-président défunt Hugo Chavez, 1999-2013) entendent répondre au gel par le Conseil national électoral (CNE) du processus de référendum pour révoquer le président. Ce mécanisme, long et complexe, aurait justement dû entrer mercredi dans sa dernière ligne droite avec un ultime recueil de signatures.

L'opposition exige le départ de Nicolas Maduro, élu en 2013 et dont le mandat expire en 2019, le jugeant notamment responsable de la crise économique.

«Personne ne paralyse le Venezuela. Ce que le Venezuela veut, c'est travailler et prospérer», a rétorqué le chef de l'Etat à la télévision, en prévenant que les militaires prendraient le contrôle des entreprises qui participeraient à la grève.

«Entreprise qui s'arrête, entreprise récupérée par les travailleurs et la révolution (...) Je ne tolérerai aucun type de conspiration», a-t-il lancé.

Une marche très symbolique  

En face, l'opposition cherchait à renforcer ses soutiens à la veille de la grève générale en invitant des représentants de la société civile et des chefs d'entreprises, accusés par le chef de l'Etat de se livrer à une «guerre économique», à s'exprimer jeudi devant l'Assemblée nationale.

Pour renforcer la pression sur Nicolas Maduro, les antichavistes ont aussi convoqué une «marche pacifique» jeudi prochain vers le palais présidentiel de Miraflores.

Le but de cette nouvelle mobilisation: signifier au président le résultat du vote du Parlement, prévu juste avant, sur la procédure lancée à son encontre pour «manquements au devoir de sa charge». La MUD étant majoritaire à l'Assemblée nationale, ce résultat fait peu de doute.

La marche vers Miraflores aura une forte dimension symbolique: le 11 avril 2002, une manifestation s'y rendant avait viré au coup d'Etat et délogé le président Hugo Chavez durant trois jours.

Son héritier, Nicolas Maduro, a donc battu le rappel des soutiens du gouvernement pour «faire échec au putsch parlementaire». «L'histoire des coups d'Etat, on la connaît par coeur», a-t-il ajouté.

Dans ce pays pétrolier en plein naufrage économique sous l'effet de la chute des cours du brut, la tension monte un peu plus chaque jour, alors que les deux camps s'accusent mutuellement de «coup d'Etat».

Toutefois, la portée de la procédure initiée par le Parlement contre le président n'est pas claire, le Tribunal suprême de justice (TSJ) ayant bloqué tous les projets de loi de l'Assemblée nationale depuis qu'elle a basculé dans l'opposition en janvier, mettant fin à 17 ans d'hégémonie chaviste.

En outre, Nicolas Maduro ne reconnaît plus le Parlement. Le Tribunal suprême de justice (TSJ) a déclaré également le Parlement en infraction car il compte dans ses rangs trois députés soupçonnés de fraude.

Si le procès en destitution n'existe pas en tant que tel dans la Constitution vénézuélienne, la procédure pour «manquements au devoir de sa charge» y figure bien, soulignent les juristes.