Le tribunal suprême fédéral (STF) brésilien a rendu son verdict jeudi soir au sujet de trois recours contre la procédure de destitution visant la présidente Dilma Rousseff à deux jours d'un vote crucial des députés sur son maintien au pouvoir.

Les juges de la plus haute juridiction ont débattu tard dans la nuit pour boucler leur travaux avant l'ouverture de vendredi matin de l'assemblée plénière marathon du Congrès des députés prévue pour durer jusqu'à dimanche.

La présidente Dilma Rousseff avait saisi à la mi-journée la haute juridiction pour lui demander d'annuler cette procédure à l'issue chaque jour plus menaçante pour elle.

L'avocat général du gouvernement, José Eduardo Cardozo, qui a introduit ce recours avait dénoncé une procédure «kafkaïenne» qui «viole les principes du procès équitable et du droit à la défense».

La présidente de gauche est accusée par l'opposition d'avoir sciemment maquillé les comptes publics par des tours de passe-passe budgétaire pour minimiser l'ampleur des déficits et de la récession économique l'année de sa réélection en 2014 et début 2014.

Mme Rousseff conteste que ces «pédalages» budgétaires pratiqués par ses prédécesseurs constituent un «crime de responsabilité» pouvant motiver sa destitution.

Elle se dit victime d'une tentative de «coup d'État» institutionnel émanant d'une opposition conservatrice n'ayant pas accepté sa défaite électorale de 2014.

M. Cardozo a estimé en conférence de presse qu'il revenait «au tribunal suprême de jouer son rôle de gardien de la Constitution, et par conséquent, d'exercer un contrôle sur les abus commis par le pouvoir législatif».

Il a en particulier mis en cause l'impartialité du président du Congrès des députés, Eduardo Cunha, farouche adversaire de Mme Rousseff et membre du parti centriste PMDB du vice-président Michel Temer, qui assumerait le pouvoir en cas de destitution de la présidente.

L'offensive judiciaire du gouvernement intervient alors que Mme Rousseff est confrontée depuis mardi à une cascade de défections au sein de sa coalition.

«Situation difficile»

Sa situation apparaît chaque jour plus critique au fur et à mesure que des partis du centre de sa coalition en lambeaux appellent leur députés à voter en faveur de sa destitution.

«La situation est difficile», a déclaré à l'AFP le ministre porte-parole du gouvernement Edinho Silva, au sortir d'une réunion à la présidence à laquelle a participé la garde rapprochée de Mme Rousseff pour définir une stratégie en vue du vote de dimanche.

Mme Rousseff s'accroche à l'espoir ténu d'obtenir dimanche le vote d'un tiers des députés (172 votes) en sa faveur. Cela lui suffirait pour faire avorter la procédure de destitution et ainsi sauver son mandat.

Outre le soutien en bloc des 57 députés de son Parti des travailleurs (PT) et des petits partis d'extrême gauche, elle mise sur la fidélité de certains députés de centre-droit en désaccord avec l'orientation pro-impeachment de leurs formations.

Mais l'opposition affirme déjà pouvoir compter sur plus des 342 votes requis (deux tiers des 513 députés) pour que la procédure de destitution soit soumise à l'approbation du Sénat.

La situation deviendrait alors extrêmement critique pour Mme Rousseff, qui a promis de «lutter jusqu'à la dernière minute de la seconde mi-temps».

Il suffirait en effet, courant mai, d'un vote à la majorité simple des sénateurs pour qu'elle soit écartée du pouvoir pendant un délai de maximum de 180 jours dans l'attente d'un jugement final.

Le vice-président Michel Temer assumerait alors immédiatement ses fonctions et formerait un gouvernement de transition.

Une barrière de deux mètres de haut et un kilomètres de long a été érigée par les autorités devant le Congrès des députés pour séparer les manifestants «pro-impeachment» et «anti-putsch» et éviter des affrontements au cours de ce week-end historique.

«Ici c'est le mur de Berlin côté occidental», pouvait-on lire sur une pancarte collée du côté de la barrière assignée aux opposants à la présidente.

Jeudi à la nuit tombée, 200 manifestants réclamaient déjà bruyamment la «destitution immédiate» de Mme Rousseff sur l'Esplanade des ministères. Un camion sonorisé chauffait l'ambiance.

À quelques kilomètres de là, un demi-millier de défenseurs de la présidente campaient sous des tentes dans une enceinte sportive voisine du stade Mané Garrincha.

«Nous sommes déjà 500, mais d'ici la fin de la semaine, nous serons plus de 100.000 pour faire barrage à ce coup d'État», a déclaré à l'AFP le syndicaliste Paulo Joao Estausia, venu de Sao Paulo.