Jovenel Moïse, candidat soutenu par le pouvoir en place, est arrivé en tête des résultats préliminaires du premier tour de l'élection présidentielle haïtienne, selon l'annonce jeudi du conseil électoral provisoire, mais ces résultats sont contestés par l'opposition.

À 47 ans, l'entrepreneur agronome qui entame sa carrière politique a obtenu 32,81 % des suffrages et se retrouvera au second tour, prévu le 27 décembre, face à Jude Célestin, du parti de l'ex-président René Préval, qui a cumulé 25,27 %.

Jovenel Moïse s'est déclaré « ravi » jeudi soir et a expliqué, lors d'une déclaration à la presse, que son parti « célèbre aujourd'hui cette première victoire, qui est la preuve que le peuple a compris notre message de développement ».

Mais cette satisfaction est loin d'être partagée par les autres candidats : un porte-parole de Jude Célestin a annoncé qu'un appel serait déposé auprès des tribunaux électoraux pour contester ces résultats.

La loi électorale prévoit un délai de 72 heures pendant lesquelles les candidats peuvent contester les résultats préliminaires devant les tribunaux électoraux, les résultats définitifs du premier tour devant être annoncés à la fin du mois.

Partisan de l'opposition abattu

Dans la foulée de l'annonce des résultats par le conseil électoral provisoire, un partisan de l'opposition a par ailleurs été tué dans la capitale haïtienne, a indiqué le porte-parole du parti dont était membre l'homme d'une trentaine d'années.

Assad Volcy, représentant du parti Pitit Dessalines (fils de Dessalines en créole) a indiqué que le sympathisant « Maxo Gaspard, très connu de tout le monde, a été abattu froidement près du siège du parti à la suite de l'annonce des résultats frauduleux du CEP » (conseil électoral provisoire).

Avec 14,27 % des voix exprimées, le candidat du parti Pitit Dessalines, Moïse Jean-Charles, opposant farouche à l'actuel président Michel Martelly est arrivé en troisième position.

Le porte-parole de cet opposant accuse le pouvoir d'être responsable du meurtre de leur sympathisant. « Nous condamnons cet acte barbare du régime Martelly », a indiqué à l'AFP Assad Volcy.

Le parti Pitit Dessalines va lui aussi contester, en suivant le cadre légal, les résultats annoncés, mais appelle aussi ses sympathisants à investir les rues.

« Le gouvernement avait bien planifié ce braquage électoral », a affirmé le porte-parole du candidat Moïse Jean-Charles. « Nous appelons la population à défendre son vote de manière pacifique : il n'est nullement question qu'on vole le vote du peuple haïtien ».

Pour exprimer leur colère, des partisans de Moïse Jean-Charles ont rapidement installé des barricades de pneus enflammés à proximité du siège du parti, dans la commune de Delmas, au coeur de l'aire métropolitaine.

De tels mouvements violents ont également été observés par l'AFP dans un quartier populaire de Port-au-Prince. Au-delà de ces incidents isolés, les rues de la capitale sont exceptionnellement désertes : par peur des violences, les bureaux et commerces ont fermé tôt dans l'après-midi jeudi.

Après le retrait des procès-verbaux jugés douteux ou frauduleux, la part des votes valides retenue par le conseil électoral ne s'élève qu'à un peu plus de 26 % des 5.8 millions d'électeurs haïtiens.

Pour cette élection présidentielle, le pays le plus pauvre des Amériques a enregistré un nombre record de candidatures : ils étaient 54 en lice pour succéder au sortant Michel Martelly, à qui la constitution interdit d'effectuer un second mandat consécutif.

Depuis la fin de la dictature des Duvalier en 1986, Haïti connaît une crise démocratique émaillée de coups d'état et d'élections contestées qui fragilisent le développement économique du pays encore marqué par le terrible séisme de janvier 2010 qui avait fait plus de 200 000 morts.

Photo HECTOR RETAMAL, AFP

Des partisans du candidat Jean Charles protestent en brûlant des pneus après l'annonce de résultats préliminaires, jeudi, à Port-au-Prince.