Le gouverneur de l'État mexicain de Veracruz va être entendu dans le cadre de l'enquête sur la mort du photoreporter Ruben Espinosa et de quatre femmes, a annoncé lundi le maire de Mexico, Miguel Angel Mancera.

«J'ai dit (au gouverneur Javier Duarte) que nous avions besoin de recueillir (son) témoignage» a indiqué M. Mancera lors d'une conférence de presse à Mexico.

Le maire de la capitale, ancien membre du Parti de la révolution démocratique (PRD, gauche), a précisé que les enquêteurs se déplaceront mardi dans l'État de Veracruz pour interroger Javier Duarte, mis en cause par Ruben Espinosa et l'activiste Nadia Vera, tous deux retrouvés morts dans un appartement de la capitale.

Le très controversé gouverneur a accepté de témoigner, tout en rejetant toute responsabilité dans ce quintuple homicide.

«Je veux témoigner pour dire que je n'ai rien à voir avec cette affaire (...) et je veux apporter tous les documents» pouvant aider les autorités judiciaires, a déclaré M. Duarte, membre du PRI, le parti au pouvoir, sur une radio nationale.

Depuis son élection dans l'État de Veracruz, onze journalistes y ont été assassinés, et quatre autres sont portés disparus, sans que la responsabilité du gouverneur n'ait toutefois été établie.

Ruben Espinosa, 31 ans, qui travaillait notamment pour la revue Proceso et le journal AVC Noticias de Veracruz, avait quitté en juin cet État situé le long du Golfe du Mexique, après avoir reçu des menaces.

Les autorités, qui ont arrêté un suspect dans le cadre de l'enquête, n'ont pour l'heure pas indiqué si l'investigation s'orientait vers un mobile lié aux activités journalistiques du photoreporter ou un crime crapuleux.

«Nous explorons toutes les pistes» a indiqué le maire de Mexico. Il est toutefois rare qu'un gouverneur soit appelé à témoigner dans le cadre d'une enquête criminelle.

Selon plusieurs organisations de défense de la presse, dont Reporters sans Frontières, le gouverneur de Veracruz a instauré dans son fief un climat hostile à l'encontre des journalistes, n'hésitant pas à formuler des menaces à leur encontre ou accusant certains d'être liés au crime organisé.

Certains journalistes, comme Espinosa, étaient venus se réfugier dans la capitale, pensant y bénéficier d'une relative sécurité.

La mort du photographe et de quatre femmes, abattus d'une balle dans la tête, a soulevé une vive émotion dans les milieux journalistiques et fait voler en éclat l'impression que la capitale était une zone de «cessez-le-feu».

Miguel Angel Mancera a annoncé l'entrée en vigueur d'une loi destinée à renforcer la protection des journalistes dans l'État de Mexico.

Elle prévoit notamment la mise en place d'un fonds, pouvant être débloqué dans les 24 heures en cas d'urgence, destiné à venir en aide aux journalistes et défenseurs des droits de l'Homme, pour leur permettre notamment de se loger et se nourrir.

«Ce qu'il manque, ce sont des investigations et la condamnation des coupables» a souligné durant la cérémonie Darío Ramírez, directeur de l'ONG Artículo 19, rappelant qu'Espinosa n'avait pas voulu faire appel aux mécanismes de protection mis en place par l'État, n'ayant pas confiance en les autorités.

Ramirez a également indiqué que sur les 88 cas de meurtres de journalistes recensés depuis 2000, 90% sont restés impunis et 3% ont abouti «à des conclusions douteuses».

Les autorités «ne peuvent ou ne veulent pas résoudre les cas liés à la presse. Nous exigeons une réponse» a indiqué Ramírez.