Le pape François a entamé mercredi une visite en Bolivie, nation la plus pauvre d'Amérique du Sud, réitérant son message d'intégration et de justice sociale dans lequel dit se reconnaître Evo Morales, premier président indigène du pays et chantre de la gauche radicale du continent.

Le souverain pontife a été accueilli à l'aéroport de La Paz - El Alto, à plus de 4000 mètres au-dessus du niveau de la mer, par le président Evo Morales, et des autorités boliviennes, soucieuses de son bien-être et qui avaient disposé des bouteilles d'oxygène à son intention.

Le pape, qui a souffert à 20 ans d'une grave pneumonie entraînant l'ablation partielle d'un poumon, a disposé également de feuilles de coca à mâcher, dans la plus pure tradition andine, afin de lutter contre l'altitude et la fatigue du voyage.

Après une cérémonie de bienvenue animée par des choeurs chantant en aymara et la ferveur de milliers de fidèles, le pape a salué «les pas importants» accomplis par le gouvernement d'Evo Morales «pour inclure d'amples secteurs dans la vie économique, sociale et politique du pays».

«Je suis heureux de me trouver dans ce pays d'une beauté singulière», a confessé le pape argentin de 78 ans, qui a visité le pays andin au moins à deux reprises dans sa jeunesse.

«C'est une terre bénie de par ses gens, avec sa réalité culturelle et ethnique bigarrée, qui constitue une grande richesse et un appel permanent au respect mutuel et au dialogue», a-t-il ajouté, appelant à une participation de tous, «sans exclure ni rejeter personne», thème central d'une tournée pastorale qui se conclura au Paraguay.

Le souverain pontife a également évoqué le problème de l'immigration et mis en exergue l'importance de la famille, «cellule fondamentale de la société».

Pour sa part, le président Morales a remercié son «frère, le pape», «le pape des pauvres» de «nous rendre visite chez nous, avec un message d'espérance et de libération».

Sur la route descendant de El Alto à La Paz, à 3600 mètres d'altitude, le pape a fait une brève halte pour rendre hommage au jésuite espagnol engagé, le père Luis Espinal, assassiné en 1980 par des paramilitaires.

Demandant une minute de silence, le pape a prié en «souvenir de notre frère, victime de ceux qui ne voulaient pas que l'on lutte pour la liberté de la Bolivie».

Des organisations boliviennes des droits de l'Homme ont demandé la béatification, du père jésuite à l'instar de l'archevêque salvadorien Oscar Romero, défenseur des pauvres assassiné à la même époque et béatifié en mai.

Le pape s'est ensuite rendu au Palais présidentiel, dans le centre colonial de La Paz, pour une rencontre formelle avec les membres du gouvernement avant de se rendre à la cathédrale, sur la même place Murillo, afin de s'entretenir avec la société civile.

Messe papale jeudi

Là, le pape a plaidé en faveur de solutions «raisonnables et justes» des conflits «entre peuples frères», une claire allusion au différend centenaire opposant la Bolivie et le Chili, évoqué également par le président Morales.

La Bolivie tente de récupérer l'accès à la mer perdu pendant la guerre du Pacifique (1879-1883).

Sur le thème «de la mer» le «dialogue est aujourd'hui indispensable», a affirmé le pape s'écartant du texte officiel.

Le pape a aussi critiqué le fait que la politique puisse se laisser dominer par «la spéculation financière» et que l'économie puisse être régie par un impératif de «production maximale», ce qui empêche de «résoudre les grands problèmes qui affectent l'humanité».

En raison de l'intimidante altitude, le pape passera seulement trois heures à La Paz avant de s'envoler pour Santa Cruz (est), capitale économique et ville la plus peuplée du pays - à seulement 400 mètres d'altitude - où il arrivera dans la soirée.

C'est à Santa Cruz que se déroulera jeudi la seule messe de la visite papale en Bolivie, au pied de la gigantesque statue de bronze du Cristo Redentor, où sont attendues plus d'un million de personnes.

La journée a été déclarée fériée, tandis que la vente d'alcool et les spectacles musicaux seront interdits durant tout le séjour du pape dans le pays, encadré d'un dispositif de sécurité de 17 000 policiers et militaires.

Autre temps fort à Santa Cruz, la deuxième rencontre du pape avec les «mouvements populaires» de base, catholiques et non catholiques, après une première au Vatican en 2014.

Avant de s'envoler pour le Paraguay vendredi, dernière étape de sa tournée sud-américaine, le pape se rendra dans la prison de haute sécurité Palmasola, près de Santa Cruz, où 35 prisonniers avaient trouvé la mort en 2013, la plupart par asphyxie après une violente rixe entre détenus.

La dernière visite papale en Bolivie remonte à 1988, lorsque Jean-Paul II y avait passé six jours.