Le sacre de l'école de samba Beija Flor, «championne du carnaval 2015» de Rio de Janeiro, suscitait jeudi critiques et sarcasmes au Brésil en raison de son financement présumé par le controversé gouvernement de la Guinée Équatoriale.

Le défilé de Beija Flor au Sambodrome devant 72 500 spectateurs, dans la nuit de lundi à mardi, exaltait une Afrique «forte et joyeuse» et tout particulièrement la Guinée Équatoriale, petit pays pétrolier d'Afrique centrale dirigé depuis 35 ans d'une main de fer par le président Teodoro Obiang Nguema.

Dès l'annonce mercredi de la victoire de Beija Flor, les sarcasmes ont fusé sur les réseaux sociaux, certains internautes brésiliens se demandant à quand un défilé de Beija Flor à la gloire de la Corée du Nord ou de l'État islamique...

Le mécénat douteux a été révélé par le quotidien O'Globo, quelques jours avant les défilés : Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, président de la Guinée équatoriale depuis 35 ans - qui fait l'objet avec son fils, Teodorin Obiang Mangue Nguema, d'une enquête pour corruption et blanchiment d'argent en France - aurait donné près de cinq millions de dollars à Beija-Flor pour parrainer son défilé.

Le service de presse de Beija Flor a affirmé toutefois à l'AFP n'avoir reçu «qu'un soutien culturel et des tissus importés».

Teodorin a assisté aux défilés dans la nuit de lundi à mardi dans une loge du sambodrome. On le voit sur des photos, drapeaux de Beija flor à la main, entouré de proches. Étages réservés au Copacabana Palace, factures de restaurant astronomiques, Dom Perignon à gogo au sambodrome, il aurait mené grand train à Rio de Janeiro, selon O'Globo.

Globo affirme jeudi, citant la police fédérale (PF) brésilienne, que le président Obiang se trouvait au Brésil le 12 février, d'abord à Salvador de Bahia (nord-est) avant d'arriver à Rio dimanche pour assister aux défilés. Interrogée par l'AFP, la PF n'a pas répondu.

L'ambassade de Guinée Équatoriale a affirmé jeudi dans un communiqué envoyé à l'AFP que le défilé de Beija Flor était une «initiative des entreprises brésiliennes qui opèrent en Guinée Équatoriale», assurant que les autorités du pays n'avaient apporté qu'un «soutien culturel» à l'école de samba.

L'ambassade a démenti catégoriquement la présence de M. Obiang au Sambodrome.

«C'est complètement faux, puisque son excellence Obiang Nguema Mbasogo traitait ces jours-ci d'affaires africaines. Il était à Yaoundé (Cameroun) où il participait à la réunion extraordinaire de sécurité de la CEEAC, pour trouver des solutions pour faire face au dangereux Boko Haram», souligne le communiqué.

Anthropologues et experts rappelaient jeudi la proximité historique des écoles de samba avec l'argent d'origine douteuse.

Les coûteux défilés des 12 écoles de samba sont aujourd'hui financés en grande partie par des entreprises privées et la mairie. Mais beaucoup reçoivent encore l'aide financière des «capos» des jeux de loterie clandestins, dits «bicheiros», qui autrefois finançaient les défilés intégralement.

«Dans un événement dirigé par les délinquants, les mafieux et ex-tortionnaires, le soutien d'une dictature africaine sanglante et corrompue ne surprend pas tant que ça», commentait Luiz Fernando Vianna, éditorialiste de Folha de S. Paulo.