L'ex-président cubain Fidel Castro a rompu un silence de plusieurs mois en approuvant implicitement dans une lettre le récent rapprochement avec les États-Unis, tout en réaffirmant sa méfiance à l'égard de son vieil ennemi.

«Je n'ai pas confiance dans la politique des États-Unis, et je n'ai échangé aucun mot avec eux, mais cela ne signifie à aucun moment un rejet d'une solution pacifique aux conflits», déclare l'ex-chef d'État, âgé de 88 ans, dans un courrier lu sur l'antenne de la télévision nationale et publié mardi dans la presse d'État.

Cette lettre lève les interrogations quant au regard porté par Fidel Castro sur la normalisation avec l'ennemi américain qu'il n'a cessé de fustiger pendant des décennies. Elles surviennent aussi au moment où l'état de santé du «Comandante», qui n'est pas apparu en public depuis plus d'un an, fait l'objet de rumeurs récurrentes.

Son silence remarqué au moment de l'annonce du dégel avec les États-Unis le 17 décembre, puis lors du retour au pays d'agents cubains libérés par Washington, avait alimenté de nouvelles conjectures.

Dans cette lettre adressée à une fédération estudiantine, le père de la Révolution cubaine - qui a cédé le pouvoir à son frère Raul en 2006 pour raisons de santé - ne commente pas ces rumeurs.

Mais il tient à manifester son appui à la politique de son successeur à l'égard de Washington, alors que d'autres rumeurs attribuaient son silence persistant à son opposition au dégel.

«Le président de Cuba a pris les mesures pertinentes au regard de ses prérogatives (...) Nous défendrons toujours la coopération et l'amitié entre tous les peuples du monde, y compris nos adversaires politiques», a déclaré Fidel Castro dans ce long message daté de lundi.

Sa publication survient quatre jours après des premières discussions officielles de haut niveau entre les deux pays depuis plusieurs décennies. Ces pourparlers ont ouvert la voie au rétablissement des relations diplomatiques rompues en 1961.

A Washington, la porte-parole du Département d'État a vu dans ces déclarations «un signe positif», et insisté pour que le régime communiste se mette en conformité avec les traités internationaux «pour un Cuba démocratique, prospère et stable».

Pour Jorge Duany, de l'Université internationale de Floride, ce soutien à «la solution pacifique et négociée» pourrait «accélérer» le processus de normalisation entre les deux pays.

La «marque et le style» de Fidel 

Comme souvent, Fidel Castro évoque dans son courrier divers sujets allant des inégalités dans la Grèce antique aux campagnes militaires cubaines en Afrique dans les années 1970 et 1980. Il revient aussi sur ses années d'étudiant et de révolutionnaire jusqu'à son arrivée au pouvoir en 1959.

«J'ai lutté et je continuerai à lutter (pour la dignité humaine) jusqu'à mon dernier souffle», a-t-il conclu.

«L'article de Fidel porte sa marque et son style», remarque Arturo Lopez Levy, professeur de relations internationales à l'Université de New York.

Mais faute d'apparition, cette sortie épistolaire ne lève pas totalement le voile sur l'état de santé du Lider Maximo, qui n'a pas été vu en public depuis plus d'un an.

Le 8 janvier 2014, il s'était rendu à l'inauguration d'une galerie pour une brève apparition qui avait donné lieu aux dernières images filmées du «Comandante». Il était alors apparu voûté et semblait avoir des difficultés à se déplacer, s'aidant d'une canne et du bras de son médecin personnel.

Depuis, les images du père de la Révolution cubaine se sont faites très rares. En juillet, il avait rencontré les présidents chinois Xi Jinping et russe Vladimir Poutine à son domicile, mais hors caméras. Seuls quelques clichés avaient immortalisé ces tête-à-tête.

Ces cinq derniers mois, aucune image du «camarade Fidel» n'a été diffusée et ses fameuses «réflexions», auparavant publiées avec régularité dans la presse d'État cubaine, se font de plus en plus rares. Ses derniers billets datent d'octobre.

Le 12 janvier dernier toutefois, il s'était manifesté en adressant une lettre à son ami, l'ex-footballeur argentin Diego Maradona. Mais le contenu de ce courrier dactylographié n'avait pas été dévoilé par les médias d'État.