La présidente Dilma Rousseff va porter le thème empoisonné de la corruption comme un boulet pendant son second mandat, avec l'obligation de s'y attaquer fermement tout en subissant l'explosif scandale Petrobras.

«Je ferai preuve d'un engagement rigoureux dans le combat contre la corruption, en renforçant les institutions de contrôle et en modifiant la législation pour en finir avec l'impunité», a promis dimanche soir la présidente de gauche après sa réélection avec un score serré.

Mme Rousseff a pris acte du rejet de plus en plus viscéral de la société brésilienne face aux scandales à répétition qui ont considérablement dégradé l'image de son Parti des travailleurs (PT) en 12 ans de pouvoir.

Mais ses projets de réformes risquent d'être perturbés par les révélations du scandale Petrobras et leur exploitation politique.

L'affaire a éclaté en pleine campagne électorale et ne fait que commencer. L'ancien directeur raffinage de Petrobras, Paulo Roberto Costa, détenu dans une affaire de blanchiment, a allumé la mèche en décidant de collaborer avec la police, en échange d'une forte réduction de peine s'il apportait des preuves de ses révélations.

Il a affirmé avoir orchestré, de 2004 à 2012, un système de surfacturations de marchés entre Petrobras et ses prestataires, sur lesquels étaient ponctionnées des commissions blanchies dans des paradis fiscaux puis versées à des parlementaires pour financer leurs campagnes.

Le suspect a impliqué une cinquantaine d'élus dont les noms resteront théoriquement couverts par le secret tant que le volet politique du dossier n'aura pas été transmis au Tribunal suprême.

L'hebdomadaire d'investigation Veja, ouvertement hostile au gouvernement PT, a néanmoins cité quelques figures de premier plan qui ont formellement nié toute implication. Il a notamment mentionné le trésorier du PT ainsi que le ministre de l'Énergie, les présidents du Congrès des députés et du Sénat, tous trois membres du Parti du mouvement démocratique brésilien (centre), le principal allié parlementaire du PT.

L'autre suspect clé de l'affaire, l'homme d'affaires Alberto Youssef, le financier occulte présumé du système, a également commencé à passer à table.

Il aurait notamment assuré, sans étayer ses propos, que l'ex-président Lula et Mme Rousseff étaient au courant de l'existence de ce système de corruption, selon un article publié opportunément à l'avant-veille du scrutin par Veja et qualifié d'acte de «terrorisme électoral» par la présidente.

«Si ce que disent les deux suspects se vérifie, cela va fortement affecter le second mandat de Mme Rousseff et pourrait même finir par déboucher sur une demande de destitution», estime le président de l'ONG anti-corruption Cuentas Abiertas, Gil Castelo Branco.

L'affaire est d'autant plus préjudiciable qu'il s'agit du second scandale majeur éclaboussant le PT en quelques années.

Les Brésiliens ont encore à l'esprit l'affaire du «Mensalao» («grosse mensualité»), portant sur l'achat de votes de députés alliés sous le premier mandat de Lula.

Plusieurs hiérarques du PT ont été condamnés en 2012, dont l'ancien bras droit de Lula, Jose Dirceu, remplacé en 2005 comme chef de cabinet par Dilma Rousseff.

«Le trésorier du PT, Delubio Soares, avait été condamné. Maintenant, c'est le nouveau trésorier Joao Vaccari qui est mis en cause. Ça devient de plus en plus intenable» pour le pouvoir «de prétendre qu'il n'était pas au courant», souligne M. Castelo Branco.

Après son amère défaite électorale, l'opposition, soutenue par les principaux grands médias, ne va pas se priver d'exploiter l'affaire au maximum.

Réforme politique

Dilma Rousseff a appelé dimanche soir à la concertation en vue d'une importante réforme politique, qui permettrait notamment de couper les racines d'un fléau qui gangrène l'ensemble de la classe politique.

Pendant la campagne, elle avait évoqué les limites de l'élection des députés au scrutin proportionnel de liste, qui entraîne le morcellement du Congrès des députés, avec 28 partis politiques.

Cet éclatement contraint tout parti présidentiel à nouer des alliances aussi instables que contre nature avec des alliés de circonstance qui monnaient leur soutien aux réformes.

Mme Rousseff a également plaidé pour l'interdiction du financement intéressé des campagnes électorales par les grands groupes privés.

Certains élus prônent l'instauration du financement public des campagnes. Mais en conditionnant le remboursement des frais à l'obtention d'un score plancher de 4% ou 5%, dans le but de limiter le nombre de partis parasites au Parlement.

Les grands partis s'accordent sur la nécessité d'une réforme politique. Mais pas sur le contenu ni sur la méthode, ce qui arrange les nombreux intéressés au statu quo.